Léon Delarbre (1889-1974)
Artiste et patriote français aux racines masopolitaines.
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La plus grande
partie des informations contenues dans cette page ainsi que les photos
et les reproductions des dessins et peintures (sauf autre indication) sont
tirées du livre :
Léon
Delarbre, le peintre déporté.
par
sa fille Renée Billot, Éditions de l'Est, 1989.
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Origines
familiales et sociales.
Léon Delarbre naît à Masevaux le 30 octobre 1889. Sa lignée
paternelle est issue de Suisse, du village de Travers dans le canton de
Neuchâtel
où Charles Delarbre, son arrière-grand-père, vient au monde en 1799. Vers
1820, cet ancêtre rejoint l'Alsace pour travailler dans le textile. En
1825, il se marie à Bourbach-le-Bas avec une jeune fille du village, Françoise Schuffenecker. Le
couple, établi d'abord à Bourbach-le-Bas, s'installe à Masevaux vers
1840.
Leur deuxième fils, Henri Delarbre, le futur grand-père de Léon, né
à Bourbach-le Bas en 1829, est également ouvrier fileur, mais il
pratique aussi la serrurerie ce qui le conduit à se lancer dans
l'horlogerie et à ouvrir à Masevaux une boutique dans l'immeuble
situé autrefois entre la mairie et la place du marché.
A
la génération suivante, Émile Delarbre, le père de Léon, a
définitivement quitté l'état d'ouvrier du textile : il se consacre à
temps plein à son activité d'horloger qu'il exerce avec son
frère Xavier et applique ses talents artistiques dans le domaine
de la bijouterie.
La
mère de Léon Delarbre, Thérèse Spiess, est originaire d'Éguisheim
où sa famille exploite depuis des générations un petit domaine
viticole.
Léon
Delarbre passe son enfance à Masevaux qui fait alors partie de
l'Empire allemand. Mais en 1904, alors que Léon a 15 ans, son père quitte
l'Alsace pour s'installer avec sa famille à Belfort, en territoire
français. Les raisons de ce départ ? Deux hypothèses sont probables, peut-être complémentaires. L'une, économique, serait
qu'Émile ait cherché son indépendance en ouvrant son propre commerce
d'horlogerie-bijouterie, laissant son frère Xavier
poursuivre l'activité à Masevaux. L'autre, politique, serait
qu'Émile ait choisi de quitter l'Allemagne par patriotisme français.
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Scène
de rue à Masevaux pendant la Première Guerre mondiale.
A
droite, la bijouterie de Xavier Delarbre, le frère d'Émile.
(aujourd'hui
au 32 rue du Maréchal Foch)
Origine
de l'image : carte postale. |
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De 1904 à 1919 :
une formation interrompue par la guerre.
Dans
l'horlogerie-bijouterie ouverte par Émile Delarbre, faubourg
de Lyon à Belfort, Léon apprend, en compagnie de son frère
Albert de deux
ans son aîné, le métier d'horloger et de bijoutier. Émile est aussi
un amateur d'art éclairé, passionné de peinture et d'antiquités.
Léon suit ses traces ; son père lui enseigne les rudiments du dessin et de la peinture.
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En 1911, Léon est appelé sous les drapeaux pour deux ans de service
militaire. Sa fiche militaire décrit un jeune homme d'un mètre
soixante-sept, aux
chevaux châtains et aux yeux bleus. Profession mentionnée : horloger. Affecté
au 5e Régiment du génie à Versailles, il a assez de disponibilités
pour préparer en cours du soir l'entrée à l'École des Arts décoratifs
et à l'École des Beaux-Arts de Paris.
Léon
Delarbre, soldat à Versailles en 1912. Origine
de la photo : op. cit. |
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Admis aux deux écoles en 1913,
il entre dès sa libération aux Arts Déco tout en suivant aux Beaux
Arts les cours de peinture de Raphaël Collin.
[Raphaël Collin
(1850-1916), peintre et illustrateur français proche du symbolisme.]
Malheureusement, la Première Guerre mondiale met un terme prématuré
aux études de Léon Delarbre. Mobilisé le 5 août 1914, il ne
quittera l'uniforme que le 2 août 1919. Il passe les quatre
années du terrible conflit sur le front où il sert comme infirmier chargé
de relever les blessés et de les soigner dans les ambulances de fortune
et les hôpitaux de campagne.
A Belfort, Émile Delarbre vit la guerre avec un ardent
patriotisme. Ses deux fils, Léon et Albert, ainsi que son gendre René
Grellot, sont au front. Lui-même a 54 ans : trop âgé pour être mobilisé,
il s'engage comme volontaire, laissant seules, faubourg de Lyon,
son épouse, sa fille et sa petite-fille de quatre ans.
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Léon
Delarbre (à gauche), infirmier au front.
Origine
de la photo : https://prisons-cherche-midi-mauzac.com/ |
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Belfort 1915 : première permission commune d'Émile Delarbre
(assis) et de ses fils, Léon à gauche, Albert à droite. Origine
de la photo, op.ci. |
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Après la guerre.
Lorsqu'il est rendu à la vie civile en 1919, Léon Delarbre
a 30 ans et se trouve trop âgé pour reprendre ses études d'art. Aussi
se résout-il à gagner sa vie en travaillant avec son père et son
frère dans l'horlogerie-bijouterie, à présent installée au 74
faubourg des Vosges. Dans le même temps, il peint et commence à
exposer. Pour arrondir des fins de mois difficiles et partager sa
passion, il donne des cours
particuliers de dessin. Il collabore également au journal La vie
belfortaine où il publie des caricatures qui marquent les esprits.
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En
1925, Léon épouse Blanche Claude, née à Mulhouse en 1895,
qu'il connaît depuis sept ans. Le couple a deux filles, Claude
et Renée, et habite rue de Strasbourg à Belfort dans un
modeste trois-pièces qui
sert aussi d'atelier de peinture.
Léon
et Blanche Delarbre en 1925.
Origine
de la photo : op. cit.
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Conservateur et professeur.
En 1929, Léon Delarbre est nommé conservateur du Musée des
Beaux-Arts de Belfort. Pendant les 45 ans où il occupe cette
fonction, Delarbre travaille à réorganiser et développer ce
musée qui ne possédait presque rien. A force d'opiniâtreté, il
réussit à constituer une riche collection de Beaux-Arts et d’Arts décoratifs, à restructurer une archéologie
moribonde et à réhabiliter l'art sacré local. Grâce à
l'appui des membres du Salon d'Automne, et notamment à celui de son ami
Jean Bersier*, il suscite de nombreuses donations qui pallient la
modestie du budget des acquisitions. Ainsi le musée de Belfort
devient un pôle culturel reconnu et la
cheville ouvrière de la sauvegarde du patrimoine.
[*Jean-Eugène
Bersier (1895-1978), peintre et graveur français, membre de la
Société belfortaine des Beaux-Arts qui organise chaque année à
partir de 1926 d'importantes expositions à Belfort.]
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Clocher
du Territoire, 1926.
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Fruits
de Provence, 1937.
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Léon
Delarbre affectionne les paysages familiers du Territoire de
Belfort qu'il découvre à l'occasion de promenades avec ses
enfants. Dans son atelier, il se laisse tenter par les natures mortes qu'il
préfère appeler du terme allemand "Stillleben"
(mot à mot : "Vie immobile")
Origine
des images : op. cit.
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En 1935, Léon Delarbre
fonde l'École des Beaux-Arts de Belfort. Installée d'abord rue de
Mulhouse, elle est transférée ensuite dans le bâtiment même du
musée, rue Roussel. Cette école permet à Léon d'officialiser ses
cours dans des locaux plus spacieux que son minuscule atelier privé car
son statut de conservateur et la reconnaissance de son talent d'artiste-peintre
lui attirent un nombre grandissant d'élèves.
En cours du soir ou le dimanche matin, l'école reçoit une trentaine d'élèves, tous âges mélangés, dans
deux pièces fort vétustes du musée. L'une est occupée par ceux qui
pratiquent la peinture de chevalet, l'autre par ceux qui s'initient au
dessin et à l'aquarelle. Delarbre, secondé par la suite par sa nièce
Marie-Thérèse Maricaille, enseigne les techniques et, surtout, selon
la parole d'un ancien élève, "formait notre goût par
imprégnation."
Ainsi plusieurs générations d'artistes franc-comtois et alsaciens font leurs
premières armes avec Léon Delarbre. Parmi eux, on peut citer Bernard
Gantner (son élève dès l'âge de neuf ans), Roger
Comte, Denis Bissantz, Jean Chaboudé, Antoine Dugois, Louis Walter, Pierrette
Chenderowsky, Anne-Marie Couvreux,
Daniel Boulanger, Marc Bollinger.
Chichement rémunéré pour sa tâche de conservateur (il n'a qu'un
salaire d'employé municipal auxiliaire à temps partiel), Léon
Delarbre accepte aussi un poste de maître auxiliaire de dessin à l'École
Pratique de Commerce et d'Industrie. Il y apprenait notamment aux
apprentis-coiffeurs à dessiner les cheveux, les boucles, les
ondulations et à inventer des coiffures.
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Claude
à la fenêtre, 1929.
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Renée
au chapeau de soleil, 1934.
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Léon
Delarbre a consacré plusieurs toiles à des scènes de sa vie
privée et à des portraits de membres de sa famille.
Origine
des images : op. cit.
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Guerre et
résistance.
A la fin des années 1930, l'Europe
marche inexorablement vers la guerre. En septembre 1938, la crise des
Sudètes [région
de la Tchécoslovaquie revendiquée par Hitler]
entraîne la mobilisation par la France de 750 000 réservistes. Léon
Delarbre, âgé de 49 ans, est du nombre ; il revêt à nouveau l'uniforme et rejoint son
affectation, une unité anti-aérienne à Bavilliers. Les accords de
Munich évitent la guerre immédiate, mais ce n'est qu'un court répit puisque,
le 3 septembre 1939, la France et l'Angleterre déclarent la guerre à
l'Allemagne en conséquence de son agression de la Pologne.
Persuadé que Belfort souffrirait gravement de la guerre, Léon Delarbre
envoie épouse et enfants chez une cousine à Allerey-sur-Saône, en
Saône-et-Loire. En juin 1940, quand la France est envahie par
l'armée allemande, il les rejoint avec un camion de la ville de Belfort
rempli des plus précieuses pièces du musée qu'il veut mettre à
l'abri des bombardements. Deux jours plus tard, les Allemands entrent à
Allerey et installent leur Kommandantur dans le château du village. Le
conservateur, qui n'a pas encore trouvé d'endroit adéquat où ranger ses
trésors, réussit alors un surprenant tour de force : il obtient
du commandant allemand d'entreposer toiles et sculptures dans le bâtiment même
de la Kommandantur !
Après l'armistice, une fois une relative sécurité rétablie dans la France occupée, la famille Delarbre ainsi que les
œuvres d'art du musée reviennent à Belfort.
Dans
la tourmente de la défaite, Léon Delarbre, comme de nombreux anciens
poilus, a d'abord mis sa confiance dans le maréchal Pétain, le vainqueur
de Verdun. Mais, dès 1941, la politique de collaboration de l'État
Français le convainc que l'honneur et le salut sont dans la France
libre du général De Gaulle et la Résistance.
Membre du mouvement Volontaires de la Liberté, il
est en contact avec les chefs de la Résistance locale comme Constant
Boeglin, Charles Grille et Paul Rassinier
[bien avant que
celui-ci ne devienne un adepte du négationnisme.] Ses
activités clandestines sont multiples : aide au passage en zone libre d'évadés et
de réfractaires, réunions secrètes de résistants dans
son appartement ou bien au musée sous couvert de l'association Les
amis du musée, transports d'armes et explosifs, liaison avec des
agents britanniques, recherche d'informations sur les opérations de la
police allemande. Ainsi, dans le même immeuble que les Delarbre, habite
Mme Cochand, employée par l'autorité allemande pour traduire les
lettres de dénonciation. Avant de communiquer la traduction aux
Allemands, elle en confie la teneur à Léon qui peut ainsi avertir les
résistants menacés. Toute la famille Delarbre est acquise à la cause
de la Résistance. Joséphine, la sœur de Léon, loge des fugitifs dans
son appartement qui bénéficie d'une entrée dissimulée, son frère
Albert fabrique de fausses pièces d'identité, sa nièce
Marie-Thérèse achemine des messages, ses filles Claude et
Renée, encore des enfants, s'astreignent à un mutisme absolu sur les
activités ou les personnes qu'elles peuvent entrevoir.
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La déportation.
A la fin de l'année 1943, Léon Delarbre sait que son réseau est
menacé. Il se réfugie dans l'appartement tout proche de sa sœur. Mais
Blanche, son épouse, tombe malade, atteinte d'une pneumonie. Léon
vient la voir le 3 janvier 1944. Il est à son chevet quand on sonne à
la porte. C'est la femme d'un résistant*
qui demande M. Delarbre ; derrière elle se dissimulent deux Feldgendarmen
qui arrêtent Léon. [*on
apprendra plus tard que ce résistant avait parlé sous la torture.]
Pendant deux mois, Léon Delarbre est emprisonné à Belfort dans la
caserne Friederichs. Le 9 mars 1944, un convoi l'emmène au camp de
Royallieu à Compiègne, via Besançon, Dijon et Paris. Pendant ce transport, il est menotté à
une connaissance, Émile
Géhant [futur
maire de Belfort.] alors
âgé de 25 ans. Entre Dijon et Paris, Léon jette sur la voie
par l'ouverture du
wagon des bouts de papier sur lesquels il a griffonné des
nouvelles pour sa famille. L'une de ces missives arrive à destination
le 5 mai.
Dans
le camp de Compiègne, les prisonniers vivent six semaines dans une
relative liberté et sans trop d'inquiétude car ils imaginent que s'ils
sont envoyés en Allemagne, ils
seront traités comme les prisonniers de guerre de 1940.
Tragique illusion ! Le 27 avril, les
portes de l'enfer s'ouvrent pour 1700 hommes déportés en Allemagne.
[parmi
eux, André Boulloche, futur ministre et maire de Montbéliard.]
Un voyage atrocement pénible de quatre jours et trois nuits les amène
à Auschwitz : entassés à cent par wagon, sans lumière, sans air,
sans rien à boire et dans l'impossibilité de s'asseoir faute de place.
Le 30 avril, c'est l'arrivée à Birkenau
[camp
limitrophe et annexe d'Auschwitz.] et
l'horreur de la découverte d'un monde dantesque : dans l'odeur écœurante
des fumées des fours crématoires l'insigne brutalité des
kapos polonais, la dépossession des vêtements et objets personnels, le
tatouage d'un numéro matricule sur l'avant-bras gauche [celui
de Delarbre est 185.409] le
rasage de toutes les pilosités du corps, la privation de toute
intimité, la faim, la saleté, la promiscuité ; au total
l'avilissement des hommes pour les déshumaniser. Le
12 mai 1944, après deux semaines de détention à Birkenau, Léon
Delarbre est transféré à Buchenwald dans des conditions moins
inhumaines que le voyage pour Auschwitz : 50 hommes
"seulement" dans le wagon dont le sol est recouvert de paille
et un baquet de frênette pour se désaltérer. Les déportés
arrivent le 14 mai à Buchenwald et sont répartis dans des baraques aux
lits superposés, dix par rangée. Les limites du camp sont gardées
par les SS tandis que la vie à l'intérieur est gérée par des prisonniers, en
général des internés politiques allemands, qui font leur possible pour
répartir honnêtement la nourriture et les corvées.
Buchenwald est un camp de travail où les détenus sont employés dans
de multiples entreprises qui participent à l'économie de guerre
allemande. Léon Delarbre est d'abord affecté à la carrière de
Buchenwald, puis envoyé à l'usine Gustloff où il fabrique des crosses
de fusils. Le 24 août 1944, cette usine est anéantie par un
bombardement allié. Delarbre est alors transféré à l'usine
souterraine de Dora [une
dépendance de Buchenwald.]
où il contrôle des pièces des fusées V2.
A l'approche des Alliés, le camp de Dora est évacué le 5 avril 1945. Un épouvantable voyage
de cinq jours dans un wagon sans toit sous la pluie gelée mène Léon
et ses compagnons au camp de Bergen-Belsen. C'est là que les survivants
sont libérés par les Britanniques le 15 avril 1945.
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Cinquante dessins pour
l'histoire.
Dès
les premiers jours de sa déportation, Léon Delarbre comprend que son
talent d'artiste lui impose la mission de témoigner de
l'univers effroyable dans lequel il est tombé. Par des croquis pris sur
le vif, il va fixer l'empreinte irréfutable d'une barbarie tellement
monstrueuse que le monde pourrait douter qu'elle ait un jour existé.
Mais la tâche paraît insensée dans ces camps où les internés n'ont
rien, où la surveillance est tatillonne et les contacts avec l'extérieur impossibles. Il faut un
crayon... où le trouver ? il faut du papier... comment s'en procurer,
et où le garder ? Delarbre s'ingénie. Ayant l'avantage de parler
l'allemand, il propose aux secrétaires du camp de faire leur portrait
pendant la pause de nuit. Intéressées, elles lui procurent le papier et les crayons
nécessaires dont il distrait une partie. Dans les bureaux où posent
les employées, il subtilise les enveloppes usagées et les chiffons de
papier qui traînent. Dans l'usine, il arrache des lambeaux de papier
qui entourent l'isolation des tuyaux de chauffage.
Pour dessiner, l'artiste doit se cacher, debout au creux de sa main,
couché sur son châlit, abrité derrière l'épaule d'un camarade
pendant que d'autres font le guet. Comment conserver les dessins
réalisés est un dilemme ô combien périlleux car leur découverte
l'enverrait infailliblement à la mort. Prendre le risque de les porter
sur soi ? les laisser au block à la merci d'une fouille ? les emporter
sur le lieu du travail ? Toutes les solutions sont hasardeuses.
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Attelés
au chariot de la carrière. Buchenwald, 1944.
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Les
morts devant les blocks. Dora, mars 1944.
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Origine
des images : op. cit.
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Au prix de risques
considérables, par des prodiges de courage et d’ingéniosité, Léon
Delarbre réussit à garder une cinquantaine de dessins jusqu'à sa
libération. Lors du dernier transfert de Dora à Bergen-Belsen, il les
porte sous ses vêtements, à même sa poitrine.
Ces dessins sont un réquisitoire implacable contre l'inhumanité des
camps de concentration. Chaque croquis,
fait sur place, sans retouche ni transposition ultérieure, montre une situation
authentique. Par là,
l'artiste Léon Delarbre est aussi un historien de l'holocauste dont le
témoignage est aujourd'hui mondialement reconnu. À son
retour à Paris, les dessins sont acquis par le Musée d’Art moderne
de Paris,
édités dès 1945, puis déposés au Musée de la Résistance
et de la Déportation de Besançon.
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Le
21 mars 1945, 29 Russes sont pendus à Dora sur la place
d'appel.
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Le
transfert de Dora à Bergen, 5 jours et 4 nuits dans la pluie et
le froid.
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Origine
des images : op. cit.
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En avril 1945, libéré du camp de Bergen-Belsen, Léon Delarbre arrive
à Paris, à l'hôtel Lutetia où sont accueillis les rescapés
des camps de concentration. Son ami Jean Bersier y fait le
portrait ci-contre. Quelques jours plus tard, c'est le retour à
Belfort. Sa fille Renée décrit ainsi l'apparition de son père
à la gare :
"Ma mère et moi scrutions les visages sans reconnaître celui qui s’avançait vers nous, fantôme ambulant au regard halluciné, à la démarche incertaine dans des vêtements flottants, coiffé d’une casquette hideuse qui dissimulait son
front."
Image
et extrait de texte : op. cit.
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De 1945 à 1974.
Longtemps l'obsession des
camps accable Léon Delarbre. Répétant qu'il ne fallait
pas "oublier cela", il ne cesse de peindre et de dessiner
l'enfer. Puis, peu à peu, il s'arrache à ce monde hallucinatoire pour
reprendre la peinture d'avant l'horreur. Sa fille Renée se souvient de
son émotion lorsqu'elle retrouve dans le premier bouquet de fleurs des
champs peint après la guerre toute la fraîcheur et la poésie de
l'âme paternelle.
Pendant
les trois dernières décennies de sa vie, Léon Delarbre se
consacre sereinement à ses passions : sa famille qui s'agrandit
de quatre petits-enfants, sa peinture, son musée, son école d'art.
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Bouquet
de fleurs des champs, 1947.
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Le
canal de Bavilliers, 1948.
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Nature
morte aux bijoux, 1949.
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Nature
morte à la pipe, 1952.
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En
1953-1954, Léon Delarbre participe à la rénovation de la chapelle
de Brasse située dans le cimetière de Belfort. Il réalise
cinq des dix vitraux en collaboration
avec Jean Bersier.
Ci-contre,
les vitraux consacrés à Sainte Geneviève (à gauche) et à Sainte Jeanne
d'Arc (à droite).
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Origine
des 6 images ci-dessus : op. cit.
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Léon garde
dans la vieillesse sa vigueur physique et intellectuelle ainsi
que le désir d'être actif et de partager son art. Une semaine avant sa mort, il fait encore
cours dans son école de la rue Roussel.
Le 27 mai 1974, il succombe à
une crise cardiaque à l'âge de 84 ans. Il repose à Belfort, au cimetière de
Brasse,
au pied de la chapelle qu'il a embellie de ses vitraux.
Léon
Delarbre peignant.
Photo
Mme Leboré ; origine de la photo : op. cit.
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Conclusion.
Dans sa préface du livre de Renée Billot, Jean-Pierre
Chevènement, alors maire de Belfort, a ainsi présenté la personnalité de
Léon Delarbre :
"Léon
Delarbre aurait pu n'être qu'un bon mari, un excellent père. Il le
fut. Il aurait pu être aussi un horloger-bijoutier aux mains agiles
doublé d'un artiste fécond et talentueux. Ce fut le cas. Mais Léon
Delarbre fut bien autre chose, et pas seulement le conservateur du
musée de Belfort et fondateur de l'École des Beaux-Arts. Ancien
combattant de la Grande Guerre, ce grand Belfortain fut de ces hommes,
trop rares, qui refusèrent la honte de la défaite et de l'occupation
autant que le déshonneur du régime de Vichy.
...
L'ensemble des dessins et des croquis [rapportés
des camps de concentration]
illustrent mieux que de longs discours cette phrase qui résonne si
juste et que nous devons toujours méditer : «Ce
que l'homme peut faire de pire à l'homme, c'est tenter de lui ôter sa
dignité.» Cette phrase est de Léon
Delarbre. Elle résume toute la vie d'un homme libre, grand et
droit."
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Henri
Ehret, avril 2024.
Contacter
l'auteur
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Sources :
- Léon
Delarbre, le peintre déporté par sa fille Renée Billot
(1929-2017), préface de Jean-Pierre Chevènement, Éditions de l'Est,
1989. Ce livre est actuellement disponible dans le commerce.
- Geneanet,
arbre de Hervé Fullenwarth.
- site de la
bibliothèque municipale de Belfort.
- brochure
réalisée par la bibliothèque Léon-Deubel de Belfort à l'occasion de
l'exposition Léon Delarbre, un homme d'amitié en 2024.
- fiche de
matricule militaire de Léon Delarbre.
- site de
l'Association Française Buchenwald Dora et kommandos.
- site Mémoire
Vive de la ville de Besançon.
- blog Histoire
pénitentiaire et Justice militaire de Jacky Tronel.
- Wikipédia.
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