Histoire locale de Masevaux et de sa vallée.

 

 

 

Localisation des anciennes mines de la vallée de la Doller.

 

Le contenu de cette page est extrait de l'article  :

Contribution à l'étude des anciennes mines et forges de la vallée de la Doller.

par Raymond Mattauer, publié en 1953 dans l'Annuaire de la société d'Histoire des régions de Thann/Guebwiller.

Pendant la seconde partie du XXe siècle, Raymond Mattauer (1923-2014), professeur de Français et Histoire-géographie, puis principal du collège de Masevaux, était certainement le meilleur connaisseur de la vallée de la Doller. Non seulement il en dominait l'histoire pour avoir sauvé de l'oubli quantité d'archives et redonné vie à maintes personnalités locales, mais il en maîtrisait aussi la géologie et la botanique. Sportif accompli et amoureux de la nature, son esprit précurseur a été à l'origine de plusieurs réalisations locales comme le parcours Vita de Masevaux (le deuxième de France en 1974) ou la Maison de la géologie et le sentier géologique de Sentheim. C'était également un homme de contacts, proche notamment des gens modestes de nos villages. Photographe de talent, il a immortalisé de nombreuses scènes de la vie locale devenues aujourd'hui les précieux témoins d'une époque révolue. 

Raymond Mattauer

(Photo accompagnant sa notice nécrologique parue dans le journal L'Alsace le 10-10-2014.) 

Nota : dans la suite de cette page, les extraits de l'article de Raymond Mattauer sont en rouge foncé, les ajouts (résumés, sous-titres, annotations, précisions) sont en bleu.

 

Les mines de la vallée de la Doller.

Historique.

L'exploitation minière dans notre vallée vosgienne remonte probablement à l'époque de la création de la plupart des villages de la vallée, c'est à dire vers le 9e et le 10e siècle. Ce n'est toutefois qu'à partir du 14e siècle que des documents attestent l'existence de l'activité minière remontant pourtant à un passé déjà lointain. Différents minéraux ont été prospectés, mais si les gisements étaient nombreux et variés, leur faible richesse n'a donné lieu qu'à des exploitations intermittentes et sans grande ampleur.

Les mines de fer ont cependant permis le développement d'une industrie métallurgique locale, au moins depuis 1409. Selon R. Mattauer, la métallurgie dans la vallée comptait au 18e siècle "au total 8 établissements d'importance variable, occupant en tout plus de 300 ouvriers, dont 60 mineurs, 50 charbonniers, 60 coupeurs et 50 charretiers." Cette activité a perduré jusqu'au milieu du 19e siècle où l'épuisement des filons a provoqué son extinction.

Malgré l'arrêt de la métallurgie, la prospection minière s'est poursuivie au cours du 19e siècle puisque 116 déclarations de découvertes de minerais ont été enregistrées en 1893 et 25 autres en 1894. En 1909/1910, les fouilles ont repris sur tous les sites des anciennes mines pour déterminer si leur exploitation pouvait être rentable. Mais les résultats ont été décevants, aucun gisement n'était assez riche pour justifier une installation moderne d'extraction.

Ce sont ces ultimes fouilles qui ont permis à Raymond Mattauer de situer la plupart des mines exploitées au cours des siècles et de décrire leur situation commune par commune. Au courant de l'année 1953, il a reconnu personnellement tous les lieux cités.

 

Présentation du document.

Les descriptifs figurant dans l'article de Raymond Mattauer sont retranscrits ci-dessous et leur localisation reportée sur 3 cartes :

A. : au Nord de la D466 entre Wegscheid et le Lac d'Alfeld

B. : au Sud de la D466 entre Sickert et le Lac d'Alfeld (+ Sickertbach au Nord).

C. : Masevaux, Bourbach-le-Haut et la basse-vallée.

Les numéros entre parenthèses indiquent la correspondance entre cartes et descriptifs. Ce sont les mêmes chiffres que ceux utilisés par R. Mattauer ; par contre l'ordre de présentation des communes est différent de celui de  l'article originel. Les photos montrent l'état actuel de l'entrée de quelques mines de la liste.

A : au Nord de la D 466 entre Wegscheid et le Lac d'Alfeld.

SEWEN

Leimkritter (22) à 600 m en amont du lac de Sewen, et à 20 m du sentier conduisant au lac d'Alfeld : mine de blende.

Schwarzfels (23), 50 m plus à l'Ouest du précédent gisement (22), au lieu dit Schwarzfels : mines de fer (magnétite).

 

 

 

 

 

 

 

Alors que la mine du Leimkritter (22) est tout à fait éboulée, les entrées des mines du Schwartzfels (23) sont intactes.

 

 

 

 

 

 

 

Baerenbach (24), dans le bois du Baerenbach, à gauche du chemin qui monte vers la ferme, plusieurs mines de cuivre (malachite).

Isenbach (25), à 100 m à l'ouest de la ferme Isenbach : mines de fer (hématite), 200 m plus haut : mine de cuivre (malachite).

Knappenhüttel (26), à environ 500 m à l'Est de la digue du lac d'Alfeld, au lieu dit "Knappenhüttel": mines de cuivre et molybdène.

Boedelen (27), à 100 m à l'Ouest de la ferme Boedelen : mines de fer (hématite).

[suite des mines de Sewen dans la partie B]

OBERBRUCK

Bruckenberg (5), à 200 m au Nord-Est du cimetière d'Oberbruck : mines de galène argentifère et plus haut de pyrites cuivreuses.

 

 

 

 

Malgré les éboulis qui ont comblé les cavités pendant deux siècles, les vestiges de la mine d'Oberbruck (5) restent visibles.

RIMBACH

(6), à 100 m au Sud de l'église, sur la rive gauche du ruisseau, plusieurs mines de barytine où l'on exploitait du fer titané. Plus haut, deux galeries : blende et galène argentifère.

Les mines de Rimbach correspondant au repère 6 sont encore très visibles. En face de l'église, à quelques dizaines de mètres de la rivière et à peine plus haut, trois entrées sont parfaitement conservées dont les deux plus spectaculaires sont photographiées ci-dessus. On distingue également, en bas du versant, le décrochement de la pente qui correspondait au passage des rails sur lesquels le minerai était évacué dans des wagonnets. 

A 250 mètres de distance et 30 mètres plus haut, deux autres mines. Photo de gauche : la galerie est comblée par les éboulis ; une dizaine de mètres plus haut, on aperçoit la halde de la mine qui la surplombe. Photo de droite : le puits principal de la mine supérieure.  

Breitenmatten (7), dans le vallon du Kerbach, à 200 m au Nord de la ferme, plusieurs mines : fer titané et 100 m plus haut en direction du Stiftkopf : minerai de cuivre. 

Stahlberg (8), sur la rive gauche du Kerbach, aux flancs du Stahlberg, et de part et d'autre du chemin conduisant à Mollau, plusieurs mines de fer oligiste et de malachite.

Riesenwald (9), à 500 m en aval de la ferme Riesenwald et à droite du chemin venant de Rimbach, 2 galeries : minerais de cuivre.

Lac des Perches (10), à environ 50 m au-dessus du niveau du lac sur la pente Sud-Ouest en direction de la Haute~Bers, il y avait la plus importante mine de cuivre de la vallée : pyrite arsenicale. (1812-1894).

Gustiberg (11), sur les flancs du Gustiberg en remontant du Schoenebaechle vers la Bers Moyenne, plusieurs galeries de fer.

Katzenbach (12), à environ 500 m de la chapelle d'Ermensbach en direction du Gustiberg, plusieurs mines : blende, galène argentitère.

Senkel (13), au lieu dit Senkel, en amont d'Oberbruck et à droite du sentier menant au Gresson, plusieurs mines de cuivre. 

Neuweiher (14), à environ 500 m en aval du petit Neuweiher et à droite du chemin suivant le fond du vallon, plusieurs mines et galeries : blende, galène argentifère, pyrite. 100 m au-dessus du niveau du grand Neuweiher. sur la face Nord de la montagne, plusieurs mines : fer oligiste.

Joppelherg (15), en montant des Neuweiher vers le Joppelberg, à 100 m du sommet : mines de fer.

WEGSCHEID

Brandeskopf (4), vallon du Soultzbach : à 500 m de la D 466, rive gauche, plusieurs galeries et nombreux déblais : galène argentifère, 200 m plus en amont : mines de pyrites cuivreuses.

Près d'un demi-siècle après la parution de l'inventaire des mines par R. Mattauer, les mines du vallon du Soultzbach à Wegscheid ont été explorées et mises en valeur grâce au remarquable travail de l'association d'archéologie minière "Les Trolls". [voir également, dans la partie C, ses réalisations à Bourbach-le-Bas]. Sous l'impulsion du maire Guy Richard, le patrimoine minier est devenu emblématique de la commune de Wegscheid.

 

 

 

 

 

Porche de la mine Reichenberg à Wegscheid.

 

 

 

 

 

 

Front de taille de la mine Fürstenbau à Wegscheid.

 

 

 

Origine de la photo : Bulletin de liaison 2016-2017 de la Société Archéologique Française d'Étude des Mines et de la Métallurgie, article n°27 par Bernard Bohly. 

 

B : au Sud de la D466 entre Sickert et le Lac d'Alfeld (+ Sickertbach au nord).

SEWEN (suite)

Bramenstein (17), sur les pentes du Bramenstein, à environ 600 m au Sud de l'église de Sewen, plusieurs mines de fluorine contenant de la galène argentifère.

Giromagnyberg (18), à environ 400 m en amont du confluent du Kaltenbrunnen et de la Doller, et 500 m plus haut encore, plusieurs mines de cuivre arsenical.

Hirzenlach (19), en remontant de la mine précédente (18) vers le Hirzenlach et à 50 m au-dessus du niveau de la Doller, plusieurs mines : fer oligiste.

Enzengesick (20), à 500 m au Sud-0uest du lac de Sewen, à 150 m au-dessus du niveau du lac, 3 puits : galène argentifère. 200 m plus à l'Ouest sur les bords du ruisseau qui descend du petit Langenberg : mines de cuivre.

Petit Langenherg (21), 500 m à l'Ouest de la ferme en direction de l'Alfeld : mine de fer oligiste.

DOLLEREN

Neumattwald (16), à environ 500 m au Sud de l'église de Dolleren en direction du Neumattwald, plusieurs mines : blende et galène. (connues sous le nom de "Léo")

NIEDERBRUCK

Gaertnerberg (3), à 200 m à l'Ouest de  la ferme : mine de fer (fer carbonaté ; sidérose)

Heidenkopf (2), à 50 m du sommet du Heidenkopf en direction du Wolfenloch, et plus bas sur les bords du Glasenbach, plusieurs puits et galeries : galène argentifère et blende. En 1900 et 1901, ces mines étaient connues sous le nom de "Friedrichstollen", "Albertstollen", "Heinrichstollen."

SICKERT

Vallon du Sickerbach (1), à 1500 m au Nord de l'église, sur la rive droite du ruisseau, 1 galerie : galène argentifère. 500 m plus au Nord, 2 galeries : cuivre pyriteux et malachite.

 

L'entrée des mines du vallon du Sickertbach sont encore très visibles de nos jours. A gauche, la première mine en bordure du chemin menant au chalet de Sickert, à droite une des deux mines plus en amont.

(Photos Jean Bruckert)

 

C : Masevaux, Bourbach-le-Haut et basse-vallée.

MASEVAUX

Willerbach (28), à environ 300 m de la dernière maison du vallon et sur la rive droite du ruisseau : mine de galène argentifère.

 

 

 

 

 

Dans le vallon du Willerbach, une excavation envahie par la végétation est le dernier vestige visible de la mine.

Saegenkopf (29), à 100 m du sommet du Saegenkopf en direction du nord, plusieurs mines de fer. 500 m plus au sud en direction de Lauw, une vingtaine de terrils et mines de fer.

Houppach (30), à 400 m de la dernière maison du village et au sud du réservoir, plusieurs galeries de galène argentifère.

 

 

 

Ci-contre, l'entrée la mieux conservée des mines de Houppach. A Masevaux, ces mines sont connues par les anciens sous l'appellation "Selwergrüawa" [Silbergrube = mine d'argent]

Dans les années 1960, ces galeries étaient encore davantage accessibles. Elles attiraient les enfants qui, armés de marteaux, détachaient des morceaux de roches dans l'espoir d'y découvrir des fragments de métal précieux. (Souvenirs de M. Albert Ringenbach).  

 

(Photo Albert Ringenbach)

BOURBACH-LE-HAUT

Lundsprach (31), à 200 m à l'Ouest de l'église : mines de fer.

Superseck (32), à environ 500 m au Nord de l'église dans le petit vallon qui monte en direction du Hundsruck : mines de fer.

Boutique (33), en suivant le chemin qui monte vers la ferme de la Boutique (colonie de vacances "Les Buissonnets") et à 500 m de la route menant au Hundsruck, plusieurs mines de fer, au lieu dit "Boutiqueberg". 

Kohlberg (34), sur les pentes Sud du Kohlberg, disséminées dans la forêt : mines de fer.

Les mines de Bourbach-le-Haut ont pratiquement toutes disparu en raison de l'extension de l'habitat et de la construction de nouvelles routes. Deux vestiges restent visibles :
(Photo Serge Lerch)

A gauche, entrée d'une mine au Sud du Kohlberg, au pied du versant du Buchberg. A droite, l'entrée de la mine 33 a disparu à la suite de la construction de la route qui mène à la ferme-auberge des Buissonnets. Seul un renfoncement du terrain rappelle que dans les années 1960 existait là une galerie d'une dizaine de mètres. (Souvenirs de M. Serge Lerch).  

BOURBACH-LE-BAS

Knappe* (35), à 50 m à l'Ouest de la ferme : mine de fer ; à 200 m plus à l'Ouest, plusieurs mines de fer. A 500 m de la ferme, en direction du sommet du Buechberg, anciennes mines de houille.

* ou Knapphutte

Ces mines sont situées sur le sentier des mines de Bourbach-le-Bas. Ce parcours de découverte de l'exploitation des gisements de fer, enrichi de panneaux explicatifs, a été réalisé par l'association d'archéologie minière "Les Trolls". A gauche la grande mine, à droite la mine Osswald Essner. 

SENTHEIM

Georgenwald (36), à 300 m au Sud des fours à chaux de Lauw : ancienne mine de fer (sables ferrugineux)

Nota : la carte IGN au 1/25000 ne situe pas le lieu dit "Georgenwald" là où R. Mattauer l'a localisé, mais 1800 m plus au nord, à l'Ouest de Bourbach-le-Bas. Sur la carte ci-dessus, le repère 36 est bien placé au Sud des fours à chaux de Lauw, mais l'inscription Georgenwald est sujette à caution.

 

Conclusion de Raymond Mattauer :

Cette liste est forcément incomplète, certaines mines ayant totalement disparu sous l'action combinée du temps, de l'eau et de la végétation. 

L'année 1910 marque la fin des recherches minières dans la vallée de la Doller où, aujourd'hui, seuls les terrils perdus dans la solitude des forêts et quelques lieux dits évocateurs rappellent encore l'existence d'une vieille industrie, jadis prospère et importante, qui, première étape de l'industrialisation de cette agreste contrée, a profondément marqué à travers les siècles, les hommes et le paysage.

 

 
 

J'ai réalisé cette page pour honorer la mémoire de Raymond Mattauer, mon ancien professeur et chef d'établissement, et donner aux nouvelles générations un accès modernisé à l'une de ses publications. Oeuvrons pour préserver de l'oubli la présence séculaire de l'activité minière dans notre vallée !  

Henri Ehret, octobre 2018.

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Sources :

- L'article de 1953 de Raymond Mattauer est disponible sur le site "Gallica."

- Les fonds de carte proviennent du site "Mapquest."

- Mes remerciements aux personnes qui m'ont aidé à trouver les entrées des mines et ont fourni des photos et des renseignements : Marcelle et Francis Behra, Jean Bruckert, Francis Comte, Élisabeth Fritsch, Serge Lerch, Albert Ringenbach, Philippe Scheubel. 

 


Sur l'industrie métallurgique dans la vallée de Masevaux, voir aussi mes pages :

L'industrie métallurgique dans la vallée de Masevaux à la veille de la Révolution.

La métallurgie à Oberbruck.

 

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