Le
collège actuel est l'héritier d'une lignée d'établissements d'enseignement
secondaire qui, au long du XXe siècle, se sont succédé à Masevaux pour
permettre aux classes populaires de poursuivre des études à moindres frais.
Le
Cours Complémentaire.
Pendant
la Première guerre mondiale, en 1917, une école primaire supérieure a été
ouverte à Masevaux dans la gendarmerie désaffectée de la rue de l'Ancien Hôpital.
Les cours étaient assurés par des soldats, professeurs dans le civil. Après
la guerre, cet établissement, réduit à une seule classe, s'est maintenu tant
bien que mal jusqu'en 1924 où il fut officiellement pérennisé sous le nom de
Cours Complémentaire.
Comme
son nom l'indiquait, cette école apportait un "complément" à l'enseignement
primaire. Elle accueillait les meilleurs élèves de l'école primaire, ceux qui, à
l'âge de 13 ans, avaient brillamment réussi le certificat d'études. Ils y
continuaient des études pendant trois ans pour obtenir le Brevet Élémentaire.
Ils acquéraient également des connaissances commerciales en sténo-dactylographie
et comptabilité.
Avec
ce bagage, les élèves trouvaient du travail dans les bureaux des entreprises
et des administrations locales. Ceux qui désiraient poursuivre leurs études
visaient le Brevet Supérieur pour devenir instituteurs. Ainsi, grâce au Cours
Complémentaire, les enfants de familles modestes qui n'auraient pas pu payer
des études dans les internats des villes avaient la possibilité de s'élever
dans l'échelle sociale.
En
1924, le Cours Complémentaire comptait 34 élèves, garçons et filles. Dix ans
plus tard, ils étaient une quarantaine encadrés par 4 professeurs. Les classes
étaient installées dans l'École de Garçons de Masevaux, alors très vétuste.
Les élèves venaient de toute la vallée, faisant les trajets à pied, à vélo
ou par le train. Ils devaient se débrouiller pour le déjeuner. La plupart
apportaient leur repas de la maison dans une gamelle qu'ils faisaient réchauffer
dans une famille de leur connaissance. Ensuite, ils allaient s'asseoir sur les marches de l'école
pour manger leur frichti du jour.
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L'École
de Garçons au début du XXe siècle, avant sa rénovation en
1935-1936.
(Extrait
de carte postale.) |
Les
élèves du Cours Complémentaire et leurs professeurs vers 1930.
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Au
centre du deuxième rang : le directeur, Joseph Heinrich. Debout
derrière lui, ses futurs successeurs : Lubin Susini (6e à partir
de la gauche) et Paul Burgi (7e à partir de la gauche). (Origine
de la photo : Patrimoine Doller n°2.) |
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En
1935, la vieille École de Garçons fut modernisée. Tandis que la
partie droite de l'école était conservée et rénovée, l'annexe de
gauche fut démolie. A sa place, on édifia un bâtiment neuf, attenant
à la partie ancienne. Les élèves du Cours Complémentaire et leurs
homologues du primaire étaient à présent confortablement accueillis :
ils disposaient de salles claires et spacieuses sur trois niveaux, du
chauffage central, de WC neufs, d'un préau et d'une cour agrandie. Pour les élèves du Cours Complémentaire venus des villages éloignés,
on aménagea au sous-sol un local équipé d'un fourneau pour chauffer
les gamelles.
Le
nouveau bâtiment entra en fonction en 1936. Pendant les
travaux, le Cours Complémentaire avait été hébergé dans la Halle
aux blés (où est installée aujourd'hui la Caisse d'Épargne).
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Le
bâtiment de l'École de Garçons construit en 1935-1936.
En 1985, cet établissement a pris le nom d'École des Remparts en
référence à la tourelle de l'enceinte médiévale qui borde sa
cour. Actuellement, cette école n'accueille plus d'élèves, toutes
les classes du primaire étant réunies à l'École des Abeilles (ex
École de Filles). (Photo
de l'auteur.)
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Au
cours de ses premières décennies d'existence, le Cours Complémentaire
a eu à sa tête deux enseignants emblématiques.
Son
premier directeur a été Joseph Heinrich (1866-1947), également
directeur de l'École de Garçons. Maître rude mais apprécié, Heinrich était
également un organiste réputé : pendant la Première guerre mondiale,
il avait joué de l'orgue Callinet (détruit lors de l'incendie de 1966)
pour le président de la République, Raymond Poincaré, le chef du
gouvernement, Georges Clemenceau ainsi que pour le futur maréchal Pétain.
En
1932, lui a succédé Lubin Susini (1893-1969). Ce Provençal, écrivain
et poète, installé à Masevaux depuis 1922, a dirigé le Cours Complémentaire
jusqu'en 1952 (excepté pendant les années de guerre.) Il aimait à dire
de son établissement qu'il était "une pépinière d'instituteurs" et "assurait aux
employeurs de toute la vallée un recrutement sérieux."
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Lubin
Susini avec sa classe de 5e en 1949.
(Photo
parue dans le bulletin municipal de Sickert)
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Sous
le régime allemand 1940-1944.
L'annexion
de fait de l'Alsace au IIIe Reich entraîna l'introduction du système
scolaire allemand qui bouleversa l'organisation pédagogique en place. Garçons
et filles des deux écoles primaires furent regroupés dans l'École de Garçons
qui devint la "Volksschule."
[École
du peuple]
Dans l'École de Filles, rue du Moulin, s'implanta la
"Haupt- und Mittelschule" [École
supérieure et moyenne"]
où des professeurs venus d'Allemagne dispensaient un enseignement
secondaire à une cinquantaine d'élèves des deux sexes. Le niveau
était soutenu, comprenant même des cours d'anglais, une première à Masevaux. Mais la scolarité souffrait des
difficultés liées à la guerre : manque de charbon pour le chauffage,
nécessité des tickets d'alimentation, menaces de bombardements
aériens, classes astreintes à la chasse aux doryphores ou à la
collecte de fournitures pour les soldats. A partir de l'été 1944 et
l'approche des Alliés, les risques de bombardement des trains découragèrent les "Auswärtigen" [élèves
venant de l'extérieur]
de se déplacer quotidiennement jusqu'à Masevaux. La libération de
Masevaux et de la vallée en novembre 1944 mit fin à la
Volksschule et à la Haupt- und Mittelschule.
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Après
la Seconde Guerre mondiale : le CEG puis le CES.
Après
le rétablissement du système scolaire
français, l'organisation du Cours Complémentaire fut alignée sur
celle des lycées avec la création des quatre niveaux de la sixième à
la troisième. Les élèves entraient en 6e après le CM2 ou bien
rejoignaient la 5e après avoir fini leur parcours primaire à 14 ans. Désormais,
à l'issue de la 3e, leur examen de sortie était le BEPC : Brevet d'Études
du Premier Cycle. Ils pouvaient aussi se présenter au concours d'entrée
à l'École Normale d'Instituteurs.
En
1960, le Cours Complémentaire devint le CEG : Collège d'Enseignement Général.
Il comptait environ 80 élèves, toujours installés au premier étage
de l'École de Garçons.
Depuis 1956, adieu la gamelle ! Paul Burgi, le directeur de
l'établissement, a obtenu du maire de Masevaux, Paul Brunstein, les
moyens pour ouvrir au sous-sol de l'école une cantine destinée à
servir le repas de midi aux
demi-pensionnaires. Paul Burgi, tout en dirigeant l'établissement et
assurant des cours de mathématiques et d'allemand, gérait aussi cette
cantine. Ses plus anciens élèves se souviennent que, dans les premiers
temps, il allait acheter lui-même les ingrédients des repas au marché
de Masevaux.
Le
premier bâtiment du CEG puis CES.
A
partir de 1960, le nombre d'élèves entrant en 6e augmentait régulièrement
et l'École de Garçons ne fut plus en mesure d'accueillir tous les collégiens. Une
solution transitoire fut trouvée dans l'utilisation d'une salle du
tribunal cantonal (aujourd'hui siège de la Communauté de
Communes).
En 1962, un bâtiment neuf, uniquement destiné au CEG, fut
construit dans la rue de l'École, à une vingtaine de mètres de l'École
de Garçons. Mais à peine terminé, ce
nouveau CEG, avec ses 8 salles de classe, se révéla trop petit pour recevoir tout le
collège qui continua d'occuper une grande partie de l'École de
Garçons.
En
effet, les concepteurs du nouvel édifice n'avaient pas pris en compte l'évolution de l'enseignement au cours des années 1960.
En
1959, la scolarité obligatoire fut prolongée jusqu'à 16 ans : cette
mesure dont l'application devait être achevée en 1969, entraînait la
disparition à terme des classes de fin d'études dans les écoles
primaires. En 1964, le ministère de l'Éducation Nationale avait fixé comme objectif
qu'en 1968 tous les élèves de 11 ans entreraient en 6e.
Désormais,
chaque rentrée voyait grossir l'effectif des d'élèves du CEG. Face
à cet afflux, maîtres et élèves furent rapidement à l'étroit dans les deux bâtiments de la rue
de l'École. Dès 1967, il fallut ajouter des classes
préfabriquées dans la cour et le jardin du temple, tandis que
les classes de transition étaient hébergées dans l'enceinte du CET (Collège d'Enseignement Technique)
lui-même installé de façon
incommode dans une ancienne usine textile. Comme aucune extension de la cantine
n'avait été prévue pour absorber le nombre croissant des demi-pensionnaires,
on dut transformer chaque jour, entre 11 H et 13 H, des
salles de classe en réfectoires, tandis que d'autres commensaux
allaient manger au CET.
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Le
chantier du nouveau CEG en 1962.
(Photos
Raymond Mattauer, mises à disposition par la Société d'Histoire
de la Vallée de Masevaux.) |
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Une
classe de 5e, avec leur professeur, M. Haxaire, dans le nouveau CEG en 1969.
(Origine
de la photo : site "Copains d'Avant.")
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Les
bâtiments scolaires de la rue de l'École vers 1968. On reconnaît
l'École de Garçons en gris et le nouveau CEG avec sa façade jaune
et bleue. Les classes préfabriquées sont visibles à droite de la
cour et à l'arrière du temple protestant.
(Photo
: extrait de carte postale.)
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Le
bâtiment construit en 1962 aujourd'hui. Le collège l'a quitté 10 ans
après son ouverture pour s'installer dans ses locaux actuels de la Cité scolaire. Après le départ
des élèves, l'ex-CEG devint le Centre socio-culturel,
aujourd'hui Créaliance.
(Photo
de l'auteur.)
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De
1952 à 1965, pendant cette période de profondes mutations, le Cours
Complémentaire puis CEG était dirigé par Paul Burgi (1906-1976). Ce célibataire
bourru, au
dévouement
inlassable, a
consacré 38 années de sa vie aux élèves de Masevaux et de sa vallée.
Année
après année, il avait à cœur de trouver pour chaque élève
sortant de 3e, soit un emploi, soit une solution de poursuite d'études.
Lors de son départ en retraite, un de ses anciens élèves puis collègue
lui rendit hommage en célébrant "la grandeur de la tâche de celui
pour lequel le
métier d'enseignant fut à tel point un sacerdoce qu'il ne fonda qu'une
famille, celle de ses élèves et de ses maîtres." En
reconnaissance, la ville de Masevaux a donné son nom à la rue qui
dessert la Cité scolaire et le Cosec.
Paul
Burgi lors d'un voyage scolaire en 1961.
(Photo
de l'auteur.)
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Lubin Susini et Paul Burgi. |
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Fin
de l'année scolaire 1955-1956 : au
centre, Paul Burgi. A sa gauche, son futur successeur, Raymond
Mattauer. A sa droite, Joseph Robischon, élève puis professeur
jusqu'en 1990. Sous sa direction, entre 1965 et 1989, la chorale
de l'établissement a participé 24 fois au Concours de Chant
Choral Scolaire à Mulhouse, remportant le 1er prix en
1975.
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(Photos
Raymond Mattauer, mises à disposition par la Société d'Histoire
de la Vallée de Masevaux.)
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En
1965, Raymond
Mattauer (1923-2014) a succédé à Paul Burgi à la direction du CEG.
Il a notamment porté la responsabilité du suivi de la construction de
l'actuelle Cité scolaire dont il a assuré la
direction jusqu'en 1982.
Éminent
connaisseur de la vallée de la Doller, photographe de talent,
expert en botanique et en géologie, il était également versé en histoire
locale. C'est lui qui a redécouvert la personnalité de Conrad Alexandre Gérard
et qui a proposé de donner son nom à notre établissement.
Raymond
Mattauer. (Photo
parue dans le journal "L'Alsace.")
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A
l'orée des années 1970, tous les élèves de 11 ans à 15 ans du secteur scolaire allant de
Sewen à Burnhaupt-le-Bas convergeaient vers le CEG, devenu en 1971 le CES
: Collège d'Enseignement Secondaire. Les bâtiments de la rue de l'École
n'étaient
plus à l'échelle de cet effectif de plus de 800 élèves, soit dix fois
plus que dix ans auparavant. Aussi, la création d'une nouvelle Cité
scolaire réunissant sur un vaste espace le CES, le CET, la restauration scolaire et les
équipements sportifs s'imposa.
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Inoubliable
journée pour tous ceux qui y ont participé, et symbolique du
passage d'une époque à l'autre : à la fin de l'année scolaire
1971-1972, les 800 élèves du CES portent leur chaise
jusqu'au nouveau collège où étudieront leurs enfants et
petits-enfants du XXIe siècle.
Photo
Raymond Mattauer, parue en 2001 dans "Le Temps oublié au fil
de la Doller."
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La
construction, l'inauguration, le baptême et l'évolution du collège dans
la nouvelle Cité
scolaire sont traités dans les pages du menu ci-dessous.
Le
collège de Masevaux, d'un siècle à l'autre, suite :
2.
De la construction à l'inauguration : 1970-1973.
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Sources
:
-
"Joseph Heinrich, organiste, maître d'école et chef de
musique" par René Limacher, dans Patrimoine Doller n°2 de 1992.
-
"L'École de Garçons de Masevaux : une histoire séculaire et une
nouvelle vie en 1937" par René Limacher, dans Patrimoine Doller
n°15 de 2005.
-
"Souvenirs de la Haupt- und Mittelschule à Masevaux" par
Antoine Gerthoffer dans Patrimoine Doller n°2 de 1992.
-
Mémoires de Jules Scheubel (1910-2000), élève du Cours Complémentaire
dans les années 1920.
-
Article "Émouvants adieux du CEG de Masevaux à M. Burgi." paru
dans L'Alsace du 2 juillet 1965, mis à disposition par M. Antoine
Steib.
-
Souvenirs
d'anciens élèves et professeurs : Mmes et MM. Monique et Antoine Steib,
Simone et Joseph Robischon, Nicole Stohr, Serge Lerch, Lucienne Beck,
Honoré Klingler, André Kippelen.
-
site https://www.gouvernement.fr/
et Wikipedia pour l'évolution de l'enseignement public dans les années
1960.
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Henri Ehret, avril 2021.
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l'auteur.
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