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I. Quelques ancêtres de l'automobile.
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Bien avant que le mot "automobile" n'ait existé, le génie humain s'est appliqué à imaginer un véhicule se mouvant par lui-même. Sous la Renaissance, plusieurs ingénieurs italiens, parmi lesquels Léonard de Vinci et Francesco di Giorgio Martini, esquissent des dessins de véhicules sans chevaux, mais leurs plans ne sont pas concrétisés. Au milieu du XVIIe siècle, à Pékin, le jésuite flamand Ferdinand Verbiest fabrique pour l'empereur de Chine un véhicule miniature muni d'une bouilloire. Ses roulettes sont actionnées par un jet de vapeur par l'intermédiaire d'une roue à aubes. |
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A la même époque, en Angleterre et en Allemagne, des mécaniciens construisent des carrosses mus par des manivelles que des serviteurs doivent actionner constamment, ou par des ressorts qu'il faut remonter. Ces engins n'ont pas eu d'avenir en raison de la faible puissance et du rapide épuisement de l'énergie humaine sollicitée. En 1769, le célèbre fardier à vapeur de Joseph Cugnot est le premier véhicule automobile fonctionnel puisqu'il peut rouler à 4 km/h pendant 15 minutes. Il démontre sa puissance lorsque, au cours d'un essai, il heurte et enfonce un pan de mur. |
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Pendant la première moitié du XIXe siècle, des ingénieurs britanniques réalisent avec succès des véhicules routiers à vapeur. Ainsi, l'omnibus à vapeur de Walter Hancock transporte par les rues de Londres des passagers entre Pentonville et Finsbury Square, soit environ 3 km. De son côté, Francis Macerone effectue avec sa machine le trajet aller-retour de Londres à Windsor à une vitesse moyenne de 6 lieues à l'heure (environ 28 km/h). |
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II. L'invention d'Auguste Zurcher.
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C'est dans ces mêmes années que Masevaux voit naître un véhicule routier automobile. Celui-ci est l'œuvre d'un tout jeune inventeur, Auguste Zurcher. Né en 1810 à Colmar, Auguste Zurcher est le fils de Nicolas Zurcher, négociant drapier originaire de Mulhouse et apparenté aux familles industrielles Koechlin, Dollfuss et Kuhlmann. Le jeune homme conçoit son véhicule alors qu'il est employé à Masevaux dans la manufacture textile de Mathieu Koechlin*, frère et associé de l'industriel mulhousien Nicolas Koechlin. Son dessein est de mettre au point "une voiture à vapeur conduite par un chauffeur et filant sur la route aussi vite qu'un cheval." [Mathieu
Koechlin : né en 1784 à Mulhouse, décédé en 1834 à Masevaux. Maire
de Masevaux de 1830 à 1834] En 1828, le projet est devenu réalité : à peine âgé de 18 ans, Auguste Zurcher parcourt les rues de Masevaux avec son engin à vapeur. |
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III. Auguste Zurcher présente sa voiture à Charles X.
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Or, cette année-là, le roi Charles X, accompagné du dauphin, effectue un voyage de trois semaines dans les départements de l'Est de la France. Pour Auguste Zurcher, c'est une extraordinaire opportunité de faire connaître son invention. Le 10 septembre 1828, Charles X et sa suite, venant de Strasbourg, arrivent à Colmar au milieu de l'après-midi. Le lendemain, dès sept heures du matin, le roi remonte en voiture pour se rendre à Mulhausen* où il doit visiter l'exposition des produits industriels de la ville haut-rhinoise déjà surnommée le "Manchester français". [la
forme francisée "Mulhouse" ne date que de 1848] Le
même jour, de grand matin, Auguste Zurcher met sous pression sa voiture
à vapeur puis parcourt les 35 km de la route alors raboteuse de
Masevaux à Mulhausen, provoquant une vive sensation dans les villages
traversés. L'exposition des produits manufacturés est organisée dans le Nouveau Quartier dont la réalisation a commencé une année auparavant. C'est sur la place de la Bourse, aujourd'hui place de la République, là où partent les six rues radiales du nouvel espace urbain, que Zurcher effectue la démonstration de sa voiture à vapeur devant le roi et un public enthousiaste. Le souverain qui, à son arrivée dans la ville, a déclaré : "Je me plairai toujours à encourager tout ce qui pourra perfectionner l'industrie et accroître le prospérité de la France" félicite chaleureusement l'inventeur du nouveau moyen de locomotion. Le soir du même jour, le roi est à nouveau à Colmar où la préfecture donne un bal en son honneur. Au cours de la réception, Charles X ne cache pas aux notabilités du département la surprise admirative que lui a procurée la petite voiture à vapeur d'Auguste Zurcher. Sa majesté aurait dit à ses hôtes pour le moins sceptiques : "Qui sait, Messieurs, viendra peut-être un jour où des voitures puissantes transporteront par la route les voyageurs de Paris à Colmar en 6 heures de temps !" |
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IV. Épilogue.
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Malheureusement, aucune information n'a pu être trouvée sur le devenir de l'invention d'Auguste Zurcher. Si on se réfère à l'évolution des véhicules routiers en Angleterre à la même époque, il est probable qu'elle soit restée sans lendemain. En effet, après quelques succès spectaculaires, les premières voitures à vapeur n'ont pas connu de développement. Leurs faiblesses techniques au niveau de la direction, des suspensions et du freinage, conjuguées au mauvais état des routes, ne leur ont pas permis de s'imposer face à l'essor irrésistible du chemin de fer. Il faudra attendre un demi-siècle pour revoir sur les routes des voitures à vapeur performantes comme, en France, celles d'Amédée Bollée qui ouvriront véritablement l'ère de l'automobile. Quant
à Auguste Zurcher, il quitte la France pour l'Allemagne. En 1838, il
sollicite l'approbation de l'Etat de Bade pour la création d'une
filature mécanique de laine et de demi-lin à Kandern. Il est alors
inscrit en tant qu'ingénieur en mécanique associé au maître tanneur
Johann Georg Kramer. Zurcher garde cependant des liens avec Colmar puisqu'en 1845 il se marie dans cette ville avec Henriette Bélier-Doumet, la fille d'un capitaine des cuirassiers à la retraite. Le couple a huit enfants, tous nés à Kandern. Auguste Zurcher meurt à Kandern en 1877, à l'âge de 67 ans. |
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IV. Les sources.
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A. Deux sources principales en partie discordantes : Les principales données de cette page sont tirées de l'article : "L'inventeur Auguste Zurcher, de Colmar, précurseur de l'automobile" paru en 1936 dans le journal "La France de l'Est" sous la signature de Henri Erichson. Malheureusement, cet auteur n'a pas cité les sources de sa chronique historique. En 1937, ce même article est reproduit dans "L'avenir de Souk-Ahras", hebdomadaire publié en Algérie, alors département français. On comprend la motivation de cette republication quand on sait que la petite-fille d'Auguste Zurcher est une notabilité de cette petite ville nord-africaine. En effet, l'aînée des enfants d'Auguste Zurcher est la mère de Marie-Alice Hetzel (1873-1955) qui se marie en 1897 à Souk-Ahras avec le brasseur Charles Kessler, natif de Siebeldingen (Rhénanie-Palatinat). La seconde source du présent article est l'ouvrage intitulé "Voyage du roi dans les départements de l'Est et au camp de manœuvres de Lunéville" publié par l'imprimerie royale. Ce rapport officiel reste fort laconique au sujet de l'invention masopolitaine. Il se contente d'indiquer que "cette petite machine, dont la force est égale à la moitié de celle d'un cheval, avait déjà été adaptée à une voiture avec laquelle les jeunes constructeurs ont fait le tour de la ville de Massevaux", sans citer Zurcher ni confirmer que le roi a bien vu rouler la voiture. Le journal "L'Avenir de Souk-Ahras" et le compte-rendu du "Voyage du roi dans les départements de l'Est..." sont disponibles sur le site Gallica. B. Autres sources consultées : Histoire de l'automobile : - Wikipedia - le site : https://www.histoire-pour-tous.fr/inventions/287-invention-automobile.html- Généalogie de la famille Zurcher : - Geneanet -
le site : "Landesarchiv Baden-Württemberg Staatsarchiv
Freiburg" |
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En conclusion, il ne paraît faire aucun doute qu'une voiture à vapeur a été construite et a roulé à Masevaux vers 1828. En revanche, d'autres documents qui confirmeraient l'authenticité des détails de la présentation de ce véhicule à Charles X le 11 septembre 1828 seraient bienvenus. Aujourd'hui, Auguste Zurcher et son œuvre sont tombés dans l'oubli tant dans sa ville natale qu'à Masevaux. Merci à qui pourrait me fournir des renseignements complémentaires sur l'apport de cet inventeur à la saga de l'automobile. |
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Henri Ehret, juillet 2020. |
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