La vie
à Valonne : famille, travaux, fêtes.
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Valonne.
Aline
Bouhélier est née le 25 janvier 1898 à Valonne, petit village du Doubs
d'à peine 250 habitants. Valonne se situe à 15 km au sud-est de Clerval,
sur le premier plateau du Jura, à 450 m d'altitude. Le village est au cœur
d'un vaste territoire agricole qui l'entoure d'est en ouest sur plusieurs
kilomètres, tandis qu'au nord il s'appuie sur la chaîne boisée du
Lomont.
[situation
de Valonne et autres lieux cités : voir les cartes plus bas]
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Carte
postale publiée sur le site : https://racinescomtoises.net/
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La famille.
Les parents d'Aline, Alfred
Bouhélier et Augustine Ponçot, étaient issus de vieilles familles
d'agriculteurs de Valonne. Dans le village habitaient deux frères
d'Alfred : l'oncle Henri qui avait repris la maison familiale, et l'oncle
Ernest, le parrain d'Aline. Trois tantes d'Aline, sœurs d'Augustine, ont
joué un rôle important dans sa vie. La tante Thérésia vivait au foyer
d'Alfred et Augustine et aidait à élever leurs enfants. La tante
Philomène vivait également dans la famille d'Alfred jusqu'en 1908, date
à laquelle elle est allée s'installer chez sa sœur Victorine mariée à
Surmont, village à 12 km de Valonne. L'espérance de vie à cette époque
étant bien moindre qu'aujourd'hui, Aline n'a connu très brièvement
qu'un seul de ses grands-parents, sa grand-mère maternelle Adèle
Gallecier, épouse Ponçot, décédée en 1902.
En dix ans, de 1896 à 1906, le couple Alfred Bouhélier et Augustine Ponçot
a eu sept enfants : Marie en 1896, Aline en 1898, Louis en 1900, Anne en
1901, Adèle en 1902, Thérésia en 1904, Alfred (mort-né) en 1906. Vers 1902, la tante
Victorine et son mari, l'oncle Jean-Baptiste Pepiot, n'ayant pu avoir
d'enfant, ont pris chez eux à Surmont la petite Marie Bouhélier, âgée
de six ans, pour l'élever et en faire leur héritière. De ce fait, Aline
s'est retrouvée l'aînée de la fratrie.
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Sur
cette photo prise vers 1910 figurent les membres de la famille Bouhélier-Ponçot
cités dans cette page :
- les parents d'Aline : Augustine Ponçot n°9 et Alfred Bouhélier n°10
- Aline n°6 et sa fratrie : Marie n°1, Thérésia n°2, Louis n°3, Adèle
n°4, Anne n°5
- les tantes d'Aline : Philomène Ponçot n°7, Thérésia Ponçot n°8,
Victorine Ponçot n°11 avec son mari Jean-Baptiste Pepiot n°12.
- la personne marquée par x est l'institutrice, Mme Grangier, qui a
offert à Aline la poupée qu'elle tient dans ses mains. (voir ci-dessous
le paragraphe "A l'école primaire.")
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Les travaux.
Comme la plupart des paysans de
Valonne, la famille Bouhélier possédait une exploitation agricole d'une
quinzaine d'hectares où, selon les usages immémoriaux, ils produisaient
tout ce qui était nécessaire à leur survie ; la polyculture et l'élevage
traditionnel fournissaient leur alimentation tout au long de l'année.
Aline appréciait le type de vie de son enfance. Les gens travaillaient
sur place et devaient être habiles et compétents dans une grande variété
d'activités, tant dans les champs qu'à la maison. Les méthodes et les
outils restaient traditionnels. Elle a vu les hommes faucher à la faux,
puis l'arrivée des premières faucheuses tirées par un cheval. On
chargeait le foin à la fourche sur des voitures à échelles. Une femme
perchée sur la charrette disposait le foin de façon à équilibrer le
chargement. Le foin était maintenu par une longue perche coincée à
l'avant sous le barreau d'une échelotte et immobilisée à l'arrière par
les cordes d'un treuil.
À l'orée du XXe siècle, on cultivait encore à Valonne du chanvre et du
lin. Dans la maison familiale des Bouhélier, un métier à tisser était
installé dans une pièce spécialement réservée au tissage située
derrière le poêle [salle
de séjour chauffée].
Avec le fil obtenu à partir du chanvre, du lin ou de la laine des moutons
de la ferme, la mère d'Aline tissait du droguet [étoffe
grossière] à
carreaux noirs et blancs. Pour les femmes de la famille, une tante d'Aline
taillait des robes dans ce droguet. Les draps de lit étaient également
tissés sur place en lin et en chanvre, et, toute sa vie, Aline a conservé
de gros mouchoirs de fil tissés par sa mère plus d'un demi-siècle
auparavant. Mais déjà à cette époque, le tissage à la maison tirait
à sa fin. Aline se souvient avoir vu des marchands du Nord qui venaient
s'approvisionner en matières premières pour le textile : chanvre, lin et
laine. Ils les achetaient ou les échangeaient contre de la toile faite en
usine. Aline n'a jamais tissé elle-même, mais elle se rappelle que,
petite fille, elle embêtait sa mère qui tissait en voulant, elle aussi,
lancer la navette.
L'équipement de la ferme franc-comtoise était rustique et n'évoluait
que lentement. On s'éclairait chichement à la chandelle ou avec des
lampes à huile ; par après, les lampes à pétrole ont apporté un petit
progrès, mais l'électricité n'est arrivée que 25 ans plus
tard. Pendant longtemps, la maison n'avait que des cheminées à feu
ouvert ; vers 1910 un fourneau à quatre feux a été installé dans la
cuisine.
Dans le souvenir d'Aline, beaucoup de temps était passé à préparer ce
qui se mangeait : le pain une fois par semaine, les confitures dont on
remplissait de grands pots de grès, les autres réserves pour l'hiver.
Aline a gardé une réminiscence particulière du cidre de son enfance [elle
emploie le même mot pour jus de pommes et cidre].
A Valonne, on
allait faire presser pommes et poires du verger dans le pressoir communal.
Le jus recueilli servait à la consommation familiale. A Surmont, l'oncle
Jean-Baptiste et la tante Victorine avaient une vraie cidrerie : un cheval
faisait tourner une grosse meule de pierre qui écrasait les pommes dont
la pulpe était ensuite chargée dans le pressoir. Le jus obtenu
remplissait des tonneaux entiers.
Deux fois par an, une grosse séquence de travail était consacrée à la
lessive. Le linge sale d'une demi-année était d'abord mis à l'air au
grenier, étendu par-dessus de longues perches. On le faisait ensuite
tremper une journée dans un cuveau d'eau froide qui occupait un bon tiers
de la cuisine. Par-dessus ce récipient, on étalait le fleurier, un drap
de chanvre très épais qu'on remplissait de cendres de bois. Puis on
versait de l'eau de plus en plus chaude sur ces cendres ; cette eau, chargée
de la potasse des cendres, traversait le linge et était récupérée par
un robinet au bas du cuveau. On la reversait par le haut en rajoutant
constamment de l'eau chauffée dans la cheminée. Cela pouvait durer une
journée entière. Quand l'eau qui s'écoulait était aussi chaude que
celle qu'on versait, on estimait que le linge était à point pour être
lavé.
On portait alors le linge dans des seaux jusqu'à la fontaine où quatre
femmes devaient être à pied d'œuvre. Le fleurier était tendu
par-dessus un bassin de la fontaine où l'eau se renouvelait. Dans l'autre
bassin, les femmes lavaient le linge, le frottaient, le tapaient, le
tordaient puis le lançaient sur le fleurier où il était rincé. Enfin,
elles rapportaient le linge lavé à la maison dans un égouttoir dont le
poids nécessitait les efforts de quatre personnes.
Pour tenir entre deux lessives, les gens ne changeaient pas souvent de
draps et de linge, à moins d'avoir des trousseaux très fournis. Mais
quand dans une famille il y avait des enfants en bas âge, on lavait plus fréquemment
: à la cuisine, on trempait et décrassait le linge dans un baquet d'eau
bouillante puis on allait le laver à la fontaine.
Dans la société rurale d'alors, les enfants étaient mis au travail dès
qu'ils pouvaient se rendre utiles. Aline n'a jamais oublié la tâche qui
lui avait été impartie en tant qu'aînée à l'âge de neuf ou dix ans :
"aller à l'eau." Faute d'adduction d'eau, il n'y avait pas de
robinet sur l'évier ; il fallait chercher l'eau à la fontaine publique
la plus proche pour la boisson, la cuisine, la toilette, les nettoyages et
faire boire les animaux qu'on ne pouvait pas mener à l'abreuvoir. Or
Aline était trop fluette pour porter les gros bidons ronds utilisés pour
cette corvée ; aussi ses parents lui ont-ils acheté deux arrosoirs plus
légers et, grâce à leur anse, plus faciles à porter. Sa mission était
de veiller à ce que les gros seaux de réserve hauts et ovales soient
toujours pleins. Combien d'allers-retours entre la maison et la fontaine
faisait-elle par jour ? Jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus, tellement
elle avait mal aux bras. Heureusement, son père allait parfois lui-même
chercher de l'eau dans les gros bidons ronds.
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Une
fontaine de Valonne où les villageois s'approvisionnaient en eau,
abreuvaient le bétail et lavaient le linge. Peut-être la fontaine où
Aline "allait à l'eau" ?
Carte
postale publiée sur le site : https://racinescomtoises.net/
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Loisirs et fêtes.
Dans cette vie de travail
incessant, les moments de détente étaient d'autant plus appréciés
qu'ils étaient rares. Aline aimait les veillées qui se passaient entre
femmes ; celles de la maison étaient rejointes par des voisines.
Certaines se livraient à de menus travaux comme préparer des fibres pour
le tissage. On devisait à la lueur de chandelles fichées sur des pieds
en bois tourné. On mangeait des noix et on buvait des pintées de cidre.
Chaque année, avait lieu à Valonne un bal qui se tenait dans une grange
du village où quelques gars jouaient de l'accordéon ou d'autres
instruments. Beaucoup de gens de Valonne ou des environs y allaient, mais
les parents d'Aline réprouvaient ce divertissement jugé immoral. Non
seulement leurs filles n'avaient pas le droit d'aller danser, mais il leur
était même interdit d'aller regarder. Tout au plus pouvaient-elles déambuler
dans le village de façon à entendre la musique. Octogénaire, Aline
avoue qu'elle n'a jamais su danser bien que, plus tard, les fils de son
patron auraient été disposés à lui apprendre quelques pas ; mais sans
regrets, car pour elle l'essentiel était de ne pas aller à l'encontre
des valeurs de ses parents. Elle préférait aller à la messe qui était
à la fois obligation et plaisir.
Cependant, la réjouissance par excellence de la vie rurale était la fête
du village célébrée le jour du saint patron de la paroisse. Amis et
parents s'invitaient réciproquement pour la fête de leur village. La
famille d'Alfred Bouhélier avait conservé des liens forts avec la parenté
de La Grange, village à dix kilomètres
de
Valonne, d'où était originaire Joséphine Boillon (1837-1884), épouse
Bouhélier, la grand-mère paternelle d'Aline. Ainsi, chaque année, l'un
ou l'autre membre de la famille allait fêter la saint Sébastien à La
Grange, le dimanche le plus proche du 20 janvier.
La fête s'étalait sur deux jours et comprenait trois repas. On arrivait
pour la messe le dimanche matin, puis on mangeait à midi, le soir et le
lundi midi chez différents membres de la parentèle. Les invités
rentraient chez eux le lundi après-midi, mais parfois la nature
contrariait le programme. Ainsi en 1898, Alfred, le père d'Aline, était
allé seul à la fête de La Grange, laissant à la maison son épouse
proche d'accoucher. En raison d'une importante chute de neige, il n'avait
pu rentrer à Valonne que le mercredi 26 janvier : en son absence, le bébé
était né, c'était Aline, née le 25 janvier.
Aline n'a participé qu'une seule fois à la fête de La Grange, mais elle
en a gardé un souvenir impérissable. Elle avait environ huit à dix ans ;
cet hiver là, il faisait très froid et il y avait beaucoup de neige. Le
voyage s'est fait en traîneau tiré par des chevaux. La fillette, revêtue
d'une pèlerine et coiffée d'une capeline,
les pieds sur une
bouillotte, était enveloppée de paille. Elle se revoit
dans la plaine de Provenchère où on ne voyait plus les chemins et où
les chevaux, excités par l'ambiance neigeuse, allaient à toute allure. Les
voyageurs sont arrivés pour l'heure de la messe pendant laquelle
l'assistance chantait à tue-tête "Saint-Sébastien est au ciel
!"
Pour les repas, les invités ont été reçus par trois foyers des sœurs
Boillon, les grands-tantes d'Aline : le ménage Jacquot (Marie Jacquot était
la marraine de Tante Anne), le ménage Dole (Ulysse Dole était gendarme
à cheval) et le ménage Mange (François-Xavier Mange était un ouvrier
des forges originaire d'Audincourt). A cette époque, les filles Dole étaient
demoiselles. Aline raconte que des garçons venaient leur conter fleurette à la cuisine et que les
mouflets comme elle espionnaient les
jeunes gens par l'entrebâillement de la porte. D'autres familles de
Valonne étaient à la fête de La Grange, notamment un couple ami des
Bouhélier, Marie-Josephte Bailly, épouse de Jules Émile Émonin, avec
qui ils ont fait le voyage retour en convoi.
[Jules
Émile Émonin et Marie-Josephte Bailly étaient les parents d'Eugène Émonin,
futur mari d'Adèle Bouhélier.]
Malheureusement, la guerre de 1914-1918 et le vieillissement des cousins
de La Grange ont mis fin à ces invitations réciproques aux fêtes des
villages.
Au total, une enfance heureuse à Valonne ? Aline l'a ressentie comme agréable
en raison de la convivialité, de la vie en autosuffisance où l'on
n'achetait guère que l'huile, le sucre, un peu de café et les médicaments,
et de la jouissance d'un cadre naturel préservé.
Pourtant, elle a confié un jour à sa fille Françoise qu'elle ne
supportait pas qu'on jette de la nourriture, même un peu avariée car,
dans son enfance, elle avait eu faim "parce qu'il fallait d'abord donner aux petits." Et lorsqu'elle parle de sa sœur Marie élevée
en enfant unique par la tante Victorine et l'oncle Jean-Baptiste,
cultivateurs aisés, une pointe d'envie est perceptible, même 70
ans après, quand elle dit : "Marie a eu une vie d'enfant gâtée,
elle avait tout, à 12 ans elle avait atteint sa taille, alors que moi
qui turbinais, à 12 ans j'étais toute petite, et même à 14
ans je n'avais pas encore ma taille d'adulte."
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Les
études : l'école primaire, voyager, l'école Granvelle.
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À l'école primaire.
Aline
a commencé sa scolarité à cinq ans à l'école de filles de Valonne qui
était alors tenue par Sœur Saint-Michel de la congrégation des
religieuses de Villersexel. Sœur Ambroise, du même ordre, prodiguait des
soins aux malades. En 1906, les petites élèves ont assisté à une scène
qui les a marquées par sa brutalité sacrilège. Depuis la cour de
l'école qui donnait directement sur l'église distante d'une vingtaine de
mètres, les fillettes horrifiées ont vu des hommes défoncer la porte de
l'église à grands coups de haches. Cette scène était un épisode des
troubles provoqués par la loi de séparation de l'Église et de l'État
de 1905 qui imposait de dresser l'inventaire des biens des églises. La
population du Haut-Doubs, très hostile à la nouvelle loi, s'était
mobilisée pour empêcher les opérations d'inventaire en bloquant l'accès
aux églises. Gendarmes et soldats avaient dû faire usage de la force
pour permettre aux fonctionnaires des Domaines de pénétrer dans les
sanctuaires et mener leur mission à bien.
[À
Cernay-l'Église, 15 paroissiens menés par Paulin Bouhélier (sans parenté
connue avec Aline), 19 ans, ont résisté quatre heures à l'assaut de la
troupe. Condamné à 90 jours de prison, Paulin reçut à sa libération
un accueil triomphal de la population de Maiche.]
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Photo
prise en 1906 représentant le curé de Valonne (au centre en soutane à
rabat et calotte) entouré des paroissiens qui l'ont soutenu dans son
opposition à l'inventaire des biens de l'église.
Carte
postale publiée sur le site : https://racinescomtoises.net/
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Les religieuses
avaient donc dû quitter Valonne, remplacées par des enseignantes laïques.
La scolarité primaire d'Aline a été brillante car dès l'âge de 12 ans
elle a obtenu son certificat d'études. En quittant l'école, Mme Grangier,
son institutrice, qui l'avait prise en affection, lui a offert une poupée.
Ce cadeau lui est resté dans la mémoire et le cœur pour la vie car la
fillette n'avait jamais eu le moindre jouet, ses parents n'imaginant pas dépenser
de l'argent pour un tel achat. [On voit la poupée
dans les mains d'Aline sur la photo ci-dessus, paragraphe "La
Famille".]
Les
parents Bouhélier savaient lire et écrire et attachaient du prix à
l'instruction. Augustine souffrait d'avoir quitté l'école trop tôt,
elle aurait aimé être plus instruite. Aussi, contrairement à bien des
paysans de ce temps, Alfred et Augustine encourageaient-ils les études de
leurs enfants. Tous leurs six enfants ont réussi leur certificat d'études
et ceux qui ont voulu poursuivre leur scolarité ont pu le faire.
Cependant, à 12 ans, Aline était trop chétive pour quitter le cocon
familial. Elle a alors passé deux années à la maison où le travail ne
manquait pas avec ses quatre frères et sœurs de moins de dix ans. Quand
elle a eu 14 ans, une amie de la famille, Mlle Noémie Bailly, ancienne
directrice d'école à Levier, a convaincu ses parents que l'heure était
venue pour Aline de passer le concours des bourses et de poursuivre ses études
à Besançon.
[Noémie
Bailly (1850-1922) était la sœur de Josephte Bailly citée plus haut
lors de la fête de La Grange.]
Voyager.
Pour une jeune paysanne du début du XXe siècle, poursuivre des études
après l'école élémentaire, c'était affronter l'inconnu : quitter son
village et sa famille, se confronter aux difficultés des voyages,
s'adapter à la grande ville, partager la vie de personnes issues d'autres
milieux.
Voyager plus loin que les villages environnants était une petite
aventure. Dans son enfance, Aline avait encore vu les diligences bien
qu'elle ne les ait jamais prises. C'étaient de gros chariots tirés par
plusieurs chevaux qui transportaient les voyageurs entre Sancey et Clerval,
principalement pour y rejoindre la gare car la ligne de chemin de fer de
Besançon à Belfort, construite avant 1870, existait déjà. Les paysans
un peu aisés comme les Bouhélier se déplaçaient avec leur propre
carriole attelée d'un cheval et aménagée en char à bancs.
Aline a pris pour la première fois le chemin de fer en 1912 pour aller en
pension à Besançon. Auparavant, elle avait déjà vu le train en gare de
Clerval lorsque son père allait y chercher la cousine Félicie de
Grosbois qui, pour se rendre à Valonne, prenait le train de
Baume-les-Dames à Clerval.
Quand Aline a commencé ses voyages vers Besançon, les diligences
venaient d'être remplacées par des autocars. Clin d'œil du destin, ce
nouveau transport automobile avait été créé par Constant Bassenne, père
de Paul Bassenne, son futur mari, qu'elle a rencontré une première fois
lors d'un épisode survenu avant le départ de Paul pour le service
militaire en octobre 1913.
Ce jour-là, Aline, 14 ans, et sa sœur Marie, 16 ans, devaient rejoindre
leur école à Besançon. Elles ont d'abord été amenées sur une
carriole à cheval jusqu'à Vellerot-lès-Belvoir, à cinq kilomètres de
Valonne, où passait le car. Mais lorsque celui-ci est arrivé, il y avait
tellement de monde que le chauffeur ne les a pas laissé monter, leur
disant d'attendre une voiture plus petite qui suivrait, occupée seulement
par le chauffeur. Craintive et méfiante, Aline ne voulait pas prendre
cette voiture : sa mère ne lui avait-elle pas inculqué que tous les
hommes étaient des polissons et qu'une jeune fille ne devait pas se
retrouver seule avec un homme ? Mais sa sœur Marie, moins effarouchée,
l'a persuadée de monter dans la voiture dont le conducteur n'était autre
que Paul Bassenne, alors âgé de 20 ans, mais que les jeunes filles ne
connaissaient pas. Le voyage s'est passé sans problème, le conducteur
n'a pas même osé parler à ses passagères pendant le trajet. Arrivées
à L'Isle-sur-le-Doubs, les deux jeunes filles se préoccupaient de
prendre leurs billets de train quand elles ont vu leur chauffeur
s'approcher et leur dire timidement : "Pardon, Mesdames, vous n'avez
pas payé vos places, cela fait tant..." Mais pressées par le temps,
Aline et Marie lui ont répondu qu'elles avaient peur de rater leur train
et qu'elles paieraient à leur prochain voyage sur la ligne, ce qu'elles
ont fait, mais plusieurs semaines après.
En arrivant à la gare de Besançon, Aline et Marie engageaient un
portefaix qui emmenait leurs bagages sur une charrette ; les deux filles
suivaient à pied jusqu'à leur école.
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Situation
des principaux lieux cités dans cette page.
Origine
des fonds de cartes : Google Maps.
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À
l'école Granvelle.
En
1912, Aline est entrée à l'École Primaire Supérieure Granvelle à
Besançon qui préparait au brevet élémentaire, au concours d'entrée de
l'École normale d'institutrices et au brevet supérieur. Le brevet élémentaire
se préparait en trois années après le certificat d'études et le brevet supérieur
en cinq années.
La première classe d'Aline comptait 47 élèves. Se sentant gauche et
timorée, gênée d'apparaître comme la paysanne jamais sortie de son
trou, elle s'était installée au dernier rang, bien qu'elle ait été
parmi les plus petites de ses condisciples. Un jour, la professeure de géographie
a posé une question qu'Aline trouvait facile, mais à laquelle aucune élève
ne pouvait répondre. La professeure s'était énervée devant cette
ignorance ; alors Aline a levé timidement le doigt et donné la bonne réponse.
De ce fait, la professeure l'avait remarquée et s'était intéressée à
elle. L'appelant "petit bout de chou", elle l'avait fait avancer
pour l'installer près de son bureau.
Cette enseignante, c'était Mlle Perrin qui lui a enseigné la géographie
au cours des trois années passées à Granvelle. La professeure, qui
avait la même origine paysanne qu'Aline, l'avait prise sous son aile et
une amitié réciproque et durable s'était installée entre la maîtresse
et l'élève. Lorsque trois ans plus tard Aline a quitté l'école, elle a
fait à sa professeure préférée un cadeau qui nous permet de mesurer l'évolution
de l'échelle des valeurs : "Je lui ai offert une belle pomme de chez
nous", se rappelle-t-elle tant d'années plus tard. Les deux femmes
sont restées en relations jusqu'au décès de Mlle Perrin, relations épistolaires,
mais aussi visites mutuelles à Clerval, Besançon et dans sa villégiature
au bord de la Méditerranée. Quand Louis, le fils cadet d'Aline, était
en pension à Besançon, elle le recevait à sa table ; aujourd'hui
largement octogénaire, Louis n'a pas oublié l'accueil affectueux de
l'enseignante retraitée, ni les inévitables carottes qui étaient au
menu. Plus tard, Mlle Perrin aurait aimé que
Claude, le fils aîné d'Aline, épouse sa nièce... cela ne s'était pas
fait. A la fin de sa vie, Aline était la seule personne dont l'ancienne
professeure acceptait encore la visite.
La réussite d'Aline dans les différentes matières scolaires était inégale.
Elle se revoit comme une élève ignorante mais habitée par le désir
d'apprendre ; quand elle ne savait pas, elle n'hésitait pas à
poser des questions.
Aline excellait en calcul : elle se remémore avec fierté le jour où
elle a eu 20 sur 20 à un devoir quand presque toute la classe avait
eu zéro. En français, c'était plus laborieux : elle attribue ses
faiblesses d'alors en orthographe et rédaction au manque de lecture dans
son enfance. En revanche, elle était à l'aise en allemand. Sa
professeure, Mlle Daubier, lui avait donné de bonnes bases dans cette
langue et l'avait aussi "débrouillée" en français. Sans la
guerre, si elle avait pu continuer des études, c'est l'allemand qu'elle
aurait choisi.
Les bêtes noires de la jeune campagnarde étaient la musique et le dessin
où le vocabulaire employé et les notions abordées étaient pour elle,
selon son expression "de l'hébreu." Le professeur de musique
avait dit d'elle : "Elle fait ce qu'elle peut, mais ne peut guère
!" et la professeure de dessin s'était désolée qu'elle ne
connaisse pas même le mot "aquarelle." Elle payait le prix du fossé
culturel entre le monde scolaire et son milieu familial où l'ouverture à
la culture et aux arts se limitait à la lecture du journal local.
Aline ne parle pas de sa vie matérielle en pension, mais a encore à
l'esprit ses petits séjours à Voray-sur-l'Ognon (Haute-Saône), à dix
kilomètres de Besançon. Quand elle avait des congés d'un jour ou deux, trop courts
pour rentrer chez ses parents, elle allait les passer chez des cousins
Bouhélier originaires de Valonne et installés à Voray. Son meilleur
souvenir de Voray, c'est celui de Henri Séraphin Bouhélier, d'un an plus
âgé qu'elle, qui lui a appris à faire du vélo sur la belle route plate
et droite entre Voray et Devecey. Un moins bon, c'est celui d'une cousine
de six ans son aînée, Marie Louise Bonnet, de Buthiers (à deux
kilomètres de Voray)
qui l'a entraînée malgré elle au bal où elle s'est sentie très mal à
l'aise.
À l'issue des trois années de scolarité à Granvelle, Aline a obtenu le
Brevet Élémentaire bien que faible en français et n'ayant jamais abordé
des notions comme les racines carrées. Ses parents auraient voulu qu'elle
devienne institutrice comme sa sœur Marie, mais, à cause des deux années perdues entre 12
et 14 ans, elle était trop âgée pour préparer le concours d'entrée
à l'École normale. Aussi a-t-elle choisi un complément de formation en
section commerciale avec dactylographie et comptabilité.
En conclusion de l'évocation de ses études à Besançon, Aline dit
d'elle-même : "Je n'étais pas bien calée, mais à côté de ceux
qui ne savaient rien..."
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Entrée
dans la vie active : à Surmont, au moulin, naissance d'une forte
personnalité.
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Un hiver à Surmont.
Aline est sortie de l'école
Granvelle en 1915 ; à 17 ans et demi, elle ne savait trop
quelle route prendre alors que la guerre faisait rage et que l'avenir était
incertain. Dans l'expectative, elle a convenu avec sa famille de passer l'hiver
1915-1916 à Surmont, chez ses tantes Victorine et Philomène. Celles-ci
s'étaient retrouvées brutalement seules : l'oncle Jean-Baptiste venait
de décéder
et Marie, leur fille de cœur, avait rejoint son poste d'institutrice à
Vaufrey, à 30 km de Surmont, où elle remplaçait l'instituteur mobilisé.
La venue d'une jeune fille dans la force de l'âge ne pouvait que soulager
les deux tantes vieillissantes.
Pour Aline, ces mois passés à Surmont sont restés comme l'un des
meilleurs moments de sa vie. Elle s'y est sentie la plus heureuse des
filles malgré certaines corvées comme sortir le fumier que la tante
Victorine avait laissé s'accumuler dans la vaste étable où il n'y avait
plus qu'une seule vache. L'oncle Jean-Baptiste avait été un cultivateur
cossu ; sa ferme était la maison de l'abondance, on n'y manquait de rien.
Dans les gros foudres de 500 litres, il restait encore du vin que l'oncle
avait fait lui-même en achetant un plein wagon de raisins. Et le verger
d'un bon hectare donnait tous les fruits imaginables.
C'était aussi la maison de la gentillesse. Lorsque Aline était à la
machine à coudre, la tante Philomène, un peu rhumatisante, s'asseyait à
côté d'elle et lui apprenait le "Te Deum" qu'on chanterait
quand la guerre serait finie. Aline aimait les conversations avec cette
tante qu'elle trouvait étonnamment spirituelle et évoluée pour son
temps. De plus elle était très habile de ses mains et fignoleuse ;
elle excellait dans la dentelle. De son côté, la tante Victorine choyait
sa nièce qui se sentait "comme un poisson dans l'eau." Sauf
par grands froids, elle l'autorisait à aller chaque jour à la messe, et,
quand elle en revenait, elle trouvait une bonne panade faite avec le lait
crémeux de l'unique vache de la ferme.
En avril 1916, la tante Victorine, ayant décelé chez sa nièce des
aptitudes pour la couture, l'a envoyée en formation auprès d'une couturière
réputée de Sancey. Aline y restait du lundi au samedi et
revenait passer le dimanche à Surmont.
La
tante Victorine possédait des terres qu'elle louait à des fermiers. Mais
à cause de la guerre, beaucoup d'entre eux ne payaient pas le fermage ou
en discutaient le prix. Souvent la tante se contentait de ce qu'on voulait
bien lui donner. Un de ces mauvais payeurs, le père Brun, en désaccord
avec Victorine, l'avait assignée au tribunal de Clerval. La tante n'ayant
aucun moyen pour
se déplacer, c'est Aline qui s'est chargée de l'affaire. Elle a fait à
pied les 12 kilomètres jusqu'à Valonne pour demander à son père de la
conduire à Clerval. Alfred a accepté, ajoutant qu'il en profiterait
pour aller faire moudre quelques sacs de blé au moulin Villeminot de
Chaux-lès-Clerval.
Juchés sur la voiture à cheval, père et fille s'étaient mis en route.
En entrant dans Clerval, ne voilà-t-il pas qu'ils ont rencontré le père
Brun qui leur a dit : "Moi, je ne veux donner que tant à la
Victorine", à quoi Aline a répondu : "Puisqu'elle ne vous
demande rien, donnez-donc ce que vous voulez !" En une minute, sur la
route, sans juge ni greffier, l'affaire était réglée !
Aline et son père sont ensuite descendus jusqu'au moulin au bord du
Doubs. Ils y ont trouvé M. Villeminot ; celui-ci connaissait Alfred Bouhélier
qui venait depuis plusieurs années moudre son blé chez lui.
[Il
s'agit d'Albert Villeminot, né à Clerval en 1874, époux de Jeanne
Bassenne, née à Voillans en 1881.]
M. Villeminot a demandé à Alfred ce qu'étaient devenues ses deux filles
qu'il avait envoyées à l'école. Le père a répondu que l'aînée était
institutrice et que la seconde, ici présente, ne savait pas trop ce
qu'elle voulait faire. Aline a expliqué les études qu'elle avait faites,
qu'elle connaissait un peu la machine à écrire, le commerce et la
comptabilité. M. Villeminot s'est montré fort intéressé car son
comptable avait été mobilisé et ses livres étaient en retard. Il a dit
au père Bouhélier : "Celle-ci, il faut me la laisser !"
Comptable au moulin.
Quinze jours plus
tard, alors qu'Aline était à son apprentissage de couture qu'elle aurait
bien voulu terminer, elle a été convoquée par M. Villeminot. Au matin
du dimanche 4 juin 1916, son père est venu en voiture à cheval la
chercher à Surmont pour l'amener au moulin. Les Villeminot les ont reçus
pour le repas de midi, puis Aline s'est installée dans la chambre qui lui
était destinée. Elle était logée, nourrie, blanchie et payée 70
Francs par mois, l'équivalent du salaire d'une bonne.
Malgré cette rémunération modeste, Aline était contente de découvrir
ce qu'étaient les ouvrages d'écriture dans une maison de commerce. Au
bout de quinze jours, elle avait compris les mécanismes des opérations
à enregistrer et pouvait se débrouiller seule. Elle a ainsi travaillé
à ce poste pendant les deux années suivantes qui lui ont permis de maîtriser
la comptabilité selon les règles ainsi que l'établissement de la paie
des ouvriers.
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L'entreprise
Villeminot comprenait un moulin, une scierie et une usine hydroélectrique
qui alimentait Clerval en électricité.
Carte
postale publiée sur le site : https://racinescomtoises.net/
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Après l'armistice de 1918, le
comptable titulaire était revenu, mais c'était un homme diminué et peu
au courant des pratiques modernes. Comme M. Villeminot voulait agrandir
son entreprise, il a proposé à Aline de la garder, sans toutefois
pouvoir mieux la payer tant que ses affaires ne seraient pas plus
prospères. Aline hésitait à accepter car la receveuse de la poste,
dont l'aide allait partir, essayait de la débaucher. Les parents Bouhélier
l'ont persuadée d'opter pour la poste où l'emploi était plus sûr que
chez un commerçant.
Voilà donc Aline à la poste au titre d'une période de probation. Hélas,
elle a bientôt été informée qu'elle ne pourrait pas être titularisée.
Déçue, elle est allée confier son incompréhension à la receveuse qui
lui a expliqué : "Ne soyez pas étonnée, l'inspecteur des postes
vient de visiter Clerval et il a appris que vous étiez à toutes les
messes et processions. Comme il est franc-maçon, il a mis son veto à
votre embauche."
Heureusement pour la jeune fille, sa carrière n'a pas souffert de cette déconvenue.
Alors qu'elle était encore à la poste, M. Villeminot a envoyé son neveu
lui offrir une place de comptable. C'était M. Piot de L'Isle-sur-le-Doubs
dont la famille exploitait une scierie. A la fin de la guerre, M. Piot
avait étendu son activité à l'achat et la revente de lots de l'armée :
de l'outillage, des véhicules, des fournitures diverses. Il y avait de
bons profits à faire, mais M. Piot était incapable de tenir sa
comptabilité, il inscrivait les dépenses dans la même colonne que les
recettes ! Aline ajoute que M. Piot s'intéressait moins aux chiffres qu'à
certaines jeunes dames avec qui il trompait son épouse.
Naissance d'une forte
personnalité.
Connaissant l'incompétence
de son neveu, M. Villeminot lui avait recommandé d'embaucher Aline pour
tenir ses livres selon les règles. Après avoir mis de l’ordre dans les
écritures, la jeune fille les a présentées
au banquier qui a dit à M. Piot : "Ce n'est qu'une gamine, ce n'est
pas du tout ça qu'il faut faire !" Quand M. Piot a transmis cette
observation à Aline, celle-ci lui a rétorqué : "C'est à vous de
choisir, choisissez les comptes du banquier ou les miens, mais je vous
affirme que ce sont les miens qu'il sera obligé d'adopter", ce qui
s'est finalement passé.
Aline reconnaît qu'elle était payée grassement pour son travail chez M.
Piot : logée, nourrie et 500 Francs par mois. Mais son avenir n'était
pas chez lui car l'activité de revente des matériels de guerre touchait
à sa fin. Aussi a-t-elle accepté l'offre de M. Villeminot de la
reprendre, d'autant plus que son premier patron avait enchéri sur les 500
Francs mensuels payés par M. Piot.
Ainsi Aline a repris son emploi au moulin des bords du Doubs. L'entreprise
Villeminot s’était développée, comprenant le moulin, la turbine
électrique et la scierie. Elle a compté jusqu'à 50 salariés pour
lesquels Aline faisait la paie.
Plus de cinquante ans après, Aline rend hommage à son ancien patron qui
lui a toujours témoigné un grand respect. Il lui permettait d'aller tous
les jours à la messe si elle le désirait, même si cela la mettait en
retard, sachant que, pour compenser, elle restait le soir quand le travail
l'exigeait. Aline a d'ailleurs à cœur de souligner qu'elle a toujours eu
une conduite irréprochable. La moralité était innée en elle, si bien
que personne n'a jamais eu de comportement déplacé à son égard ; même
M. Piot, coureur invétéré, n'a jamais tenté de la courtiser. Et, si
d'aventure, quelqu'un s'avisait d'être incorrect ou désinvolte envers elle, elle savait
le remettre à sa place. En témoigne cet épisode où Aline avait été
envoyée par M. Villeminot à Baume-les-Dames pour contrôler la
comptabilité d'une affaire liée à la fin de la guerre. Elle était allée
présenter ses documents au service des Domaines où quelques blancs-becs
ne se sont pas occupés d'elle et avaient l'air de lui rire au nez. Alors
elle leur a dit : "Messieurs, je suis là pour faire mon travail, je
repars par le train de telle heure et j'exige que ce soit fait !" sur
un ton tel que les fonctionnaires ont immédiatement obtempéré et
enregistré ses comptes.
Aline est restée comptable au moulin pendant dix ans, jusqu'à son
mariage en 1926 avec Paul Bassenne, un cousin germain de l'épouse de M.
Villeminot.
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Aline
Bouhélier vers l'âge de 22 ans.
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Aline
Bouhélier, épouse Bassenne, est décédée le 7 octobre 1981 à l'âge
de 83 ans, quelques semaines seulement après la narration de ses souvenirs.
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Écouter
deux minutes de l'enregistrement : la rencontre d'Aline avec M. Villeminot.
cliquer ici.
[à
la fin de la vidéo, clic sur la flèche "Reculer d'une page" en
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Mise
en forme des souvenirs d'Aline et compléments généalogiques,
géographiques et historiques par Henri Ehret, décembre 2022.
Contacter
l'auteur.
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"Racines franc-comtoises et alsaciennes."
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