20
Juin 1940
Ne
pouvant trouver aucun lit pour me reposer et irrité par l’attitude du Général
Salvan et du Colonel, je me sens à bout de forces. Sewen présente l’aspect
d’un camp de fuyards de toutes les unités. Les rues sont encombrées de véhicules.
En vue d’organiser la défense de Sewen, je rassemble toutes les unités
combattantes et j’ai pu disposer de 6 mitrailleuses, 4 FM, 4 canons de 25 mm,
1 groupe de mortiers et 1 section de FV. A remarquer que le 7e BM
n’est pas venu avec l’effectif de Lauw. Les lieutenants ne peuvent me donner
d’explications sur le reste de leurs unités ni où se trouvent 2 canons de 25
mm. Le Sous-Lieutenant Leuter a directement rejoint Sewen à la suite d’un
ordre général reçu à Burnhaupt. Le Lieutenant Meyer René a disparu.
Ne
trouve des postes installés sur la lisière Nord de Sewen fournis par le 321e
RP qui s’est placé en attendant d’autres ordres aux lisières de la forêt.
Le 318e se trouve en position sur la route vers le Ballon d’Alsace,
à la hauteur des lacets de la route du Lac d’Alfeld.
Vers
8 Heures , un ordre prescrit d’envoyer à la disposition du 321e
RP qui tient le barrage du Lac 2 canons de 25 mm du 171e RI sous les
ordres du Lieutenant Meyer Joseph. Vers 11 Heures, je détache sur ordre le
Lieutenant Perrin avec une section de FV (3 FM) au Col des Charbonniers pour la
défense en direction de la route des crêtes.
Je
confie la défense Est aux éléments du 7e BM et la sortie Ouest au
Capitaine de Guinaumont avec le Lieutenant Schwobthaler. Ce dernier ne dispose
que de 5 mitrailleuses, 1 FM et n’a plus de canon DCB. Je renforce la défense
Est où on attend l’avance des forces ennemies par le groupe de mortiers du
Sous-Lieutenant Leuter.
Depuis
10 Heures, des tirs d’artillerie sont entendus depuis Masevaux. Vers 15
Heures, des artilleurs avec fourgons mais sans pièces et un grand nombre de
chevaux descendent depuis le Lac d’Alfeld dans un grand désordre ce qui
n’est pas sans influence sur le moral des éléments du 7e BM. Je
préviens le Capitaine commandant ce détachement d’artillerie de prendre
toutes les précautions en s’engageant sur la route en direction d’Oberbruck-Masevaux.
Il ne donne pas suite à mon avertissement et à la sortie d’Oberbruck la
colonne est prise sous un violent bombardement. On ramène à l’école de
Sewen un grand nombre de blessés graves et légers.
Depuis
11 Heures, les états-majors de SFA du 171e et d’autres unités de
commandement CHR2 et CHR3 du 171e RIF se réfugient
à Rimbach situé dans une vallée latérale. De là le repli est prévu vers le
Rouge-Gazon, montagne d’une altitude de 1176 m. « Le salut reste la forêt
pour attendre l’armistice » comme s’exprimait le général.
Ce
vide précipité, cette hâte de partir a également impressionné la troupe.
Dans l’après-midi les éléments du 7e BM refusent de combattre,
interdisant aux sous-officiers et officiers de s’approcher des pièces déjà
mises hors de combat. Malgré mon intervention énergique et n’ayant plus
aucun moyen d’agir sur les officiers de cette unité, je prévois le pire pour
la défense de Sewen. L’esprit d’abandonner la lutte se manifeste également
chez les éléments du 319e. Quant au 171e RIF le moral
reste excellent et nous sommes tous décidés de nous défendre jusqu’à la
dernière cartouche.
Vers
19 Heures 30 un ordre m’indique que Masevaux se trouve occupé par l’ennemi
et que ce dernier s’est emparé également de la défense de Niederbruck
commandé par le colonel Robillot. Je dois immédiatement et d’urgence me
porter avec mes éléments sur Oberbruck pour renforcer cette défense et
interdire à l’ennemi la vallée de Rimbach : « Allez vite, pour
que vous arriviez avant l’ennemi ! »
Le
Capitaine de Guinaumont s’embarque immédiatement avec 3 mitrailleuses et 1 FM
sur des camionnettes avec tout le personnel encore présent, environ 20 fusils.
Le convoi dépasse à peine Dolleren qu’il est accueilli par l’ennemi
montant vers Sewen. Le Capitaine de Guinaumont lance le « Sauf qui peut ».
Le Sergent-Chef Signe faisant un geste malheureux est blessé. Le Capitaine de
Guinaumont réussit à s’échapper. En cherchant à modifier la défense de
Sewen avec les unités du 7e BM et du 319e je ne trouve
plus personne aux emplacements. Je décide alors de rejoindre Rimbach espérant
trouver le Capitaine de Guinaumont dont j’ignore le sort à ce moment là. Les
deux cyclistes chargés de maintenir la liaison ne reviennent plus. J’emmène
le Sous-Lieutenant Leuter avec une douzaine d’hommes détruisant le matériel.
Vers
20 Heures 30, je quitte Sewen, accompagné des Lieutenants Monnier et Raphenne
et du groupe Leuter, en me portant vers Dolleren. Je prends soin de longer la
lisière de la forêt à l’écart de la route. Un rocher barrant le sentier
nous amène sur la route près de la gare de Sewen. Moi-même, les Lieutenants
Monnier et Raphenne devançons d’environ 200 m le groupe Leuter pour reconnaître
le sentier menant vers la montagne. Le Lieutenant Raphenne se déplace pour
amener ce groupe alors qu’à ce même instant une patrouille allemande
cycliste surgit. Trop tard pour réagir, le groupe Leuter est fait prisonnier
tandis que le Lieutenant Raphenne réussit à s’échapper pour nous rejoindre.
Il est 21 Heures lorsque nous montons le sentier dans la forêt.
Une
partie de la patrouille allemande continue à progresser sur Sewen. Au barrage
de route, 2 mitrailleuses restées sur place ouvrent le feu. L’ennemi sans
insister se retire. Le Sergent-Chef Herzog devant une trop grande supériorité
se rend le 21 juin à 5 Heures du matin.
En
ce qui concerne la capture des éléments du Capitaine de Guinaumont, c’est le
Sergent-Chef Fluet qui m’en fait ultérieurement le récit.
Dans
la nuit du 20 au 21 juin, moi-même, les Lieutenants Monnier et Raphenne gagnons
la montagne et atteignons à l’aube la vallée de Rimbach. Nous nous portons
en direction du Rouge-Gazon. Exténués, nous nous arrêtons à la ferme du
Gresson pour y rester jusqu’au 23 juin. Conduits au Neuweiher par la
population (les 2 jeunes filles du chalet), une section ennemie avec mortiers
nous fait prisonniers le 24 juin à 12 Heures 45. Conduits
à Masevaux puis à Sentheim, nous sommes transportés le 24 juin au camp de
Neuf-Brisach où je retrouve le Capitaine Tanguy.
Fin
du récit du Capitaine Schmitt.
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