|
|||||||||||||
Dans la première moitié du XXe siècle, notre vallée séduisait les responsables des mouvements de jeunesse qui cherchaient des lieux de vacances pour les enfants des villes industrielles. Dans nos villages, à distance raisonnable de Mulhouse ou même de Strasbourg, les petits citadins profitaient, dans une atmosphère bucolique, de l'air pur de la campagne ainsi que des montagnes, lacs et forêts propices aux activités physiques. De plus, des bâtiments comme des fermes ou des usines à l'abandon étaient alors disponibles à peu de frais. Pour ces raisons, à partir des années 1930, plusieurs colonies de vacances, toutes gérées par des organismes confessionnels, ont fonctionné dans notre vallée. Voici un aperçu de ces centres de vacances de jadis.
|
|||||||||||||
La colonie de vacances de Dolleren a été créée au début des années 1930 par l'association "Protection de la Jeunesse", une émanation de la paroisse catholique Saint-Barthélemy de Mulhouse-Dornach. Son but était de prolonger les activités de patronage du jeudi pour éviter le désœuvrement des enfants pendant les longues vacances scolaires d'été. L'implantation à Dolleren s'explique par la présence au cœur du village de l'ancien tissage Gasser puis Zeller, datant de 1850, qui venait de fermer ses portes en 1930. Acquis par l'association, les bâtiments industriels ont été aménagés pour accueillir une collectivité d'enfants grâce à l'investissement des bénévoles de la paroisse et de nombreux dons en nature et en espèces. La colonie a ainsi pu ouvrir dès le début des années 1930, fonctionnant en deux sessions, l'une pour les garçons, l'autre pour les filles.
Après la guerre, l'association reprit ses activités : peu à peu les vieux ateliers et hangars ont été remplacés par des locaux donnant au centre de vacances un caractère moins spartiate. Plus tard, une vaste construction répondant aux normes imposées par "Jeunesse et Sports" transforma l'ancienne usine en centre de vacances moderne avec dortoirs et sanitaires confortables, vaste réfectoire, cuisine de collectivité réglementaire, chauffage central, salle de réunion...
|
|||||||||||||
Lors de leur séjour à Dolleren, les petits Mulhousiens découvraient la vie à la campagne : jeux dans les prés, construction de cabanes dans la forêt, randonnées vers les lacs ou les sommets environnants avec camping pour les plus grands. Les colons avaient aussi à cœur de préparer le point d'orgue de la session, la journée des parents où ils présentaient des spectacles répétés avec leurs moniteurs. |
|||||||||||||
|
|||||||||||||
A partir des années 1970, l'association "Protection de la Jeunesse" a rencontré de plus en plus de difficultés : réglementation de "Jeunesse et Sports" de plus en plus contraignante, charges financières trop lourdes pour le budget paroissial, désaffection des parents pour les colonies de vacances, baisse du bénévolat et du mécénat, si bien que la colonie de vacances a dû cesser son activité. Le site de la colonie a été occupé ensuite par le CIFA (Centre International de Formation et d'Accueil) auquel a succédé le Pôle Numérique "La Source." Le centre de vacances de Dolleren a été une belle aventure tant pour les nombreux bénévoles qui se sont dévoués pour lui pendant des décennies que pour des générations d'enfants qui y ont passé des jours inoubliables. Aujourd'hui encore, les membres de l'amicale informelle des "Anciens de Dolleren" se retrouvent chaque année pour perpétuer le souvenir de la colonie de leur enfance.
|
|||||||||||||
La colonie accueillait 60 garçons pendant 8 semaines. Les activités des enfants strasbourgeois étaient orientées vers la découverte de la montagne vosgienne environnante, de la forêt, des fermes et des lacs. Leurs vacances restaient rythmées par une intense pratique religieuse : prières, chapelets, messes, sacrements. Une journée d'excursion en autocar rompait la routine. En 1936, elle a emmené les enfants au pèlerinage suisse de Mariastein, au zoo de Bâle et, au retour, à Lutterbach pour une visite de la basilique du Sacré-Coeur. Le dimanche soir, après le chapelet, un film était projeté en plein air, à la satisfaction de la population locale qui pouvait y assister gratuitement. D'après divers échos et souvenirs, les habitants de Rimbach appréciaient la présence des colons qu'ils appelaient "nos enfants"; un peu à l'instar des hirondelles, leur arrivée était le signal de l'été et leur départ l'annonce de l'automne. Lorsqu'à l'issue du séjour les petits Strasbourgeois descendaient la route vers la gare d'Oberbruck, les villageois, depuis les maisons et les champs, les saluaient avec de grands gestes de la main. La colonie du Patronage Saint-Joseph a cessé son activité à Rimbach vers 1960.
|
|||||||||||||
Les renseignements manquent sur les activités de ce centre de vacances qui a fonctionné jusqu'au milieu des années 1960. En dehors des sessions, les locaux servaient également à la paroisse locale, par exemple pour les retraites de communion solennelle. Aujourd'hui, l'ancienne colonie est une propriété privée.
|
|||||||||||||
Vers 1930, le chanoine Muller, fondateur de l'association "L'Ami de l'Enfance de Huningue" acquit la ferme du Zaeckenberg pour en faire une colonie de vacances. Le Zaeckenberg était situé à 3 km au sud-ouest de Kirchberg-Wegscheid, à environ 500 m en contrebas du Lachtelweiher. A cette époque, la route macadamisée actuelle n'existait pas, seul un chemin de montagne, pierreux et escarpé, reliait la ferme au village. La colonie accueillait une soixantaine de garçons qui venaient en train jusqu'à la gare de Wegscheid. Ils montaient jusqu'au Zaeckenberg à pied, tandis qu'un voiturier transportait leurs bagages avec son attelage de bœufs. La colonie coexistait avec la ferme confiée à Joseph Parmentier, un Suisse venu de l'Appenzell. En dehors des sessions de la colonie, le Zaeckenberg accueillait également des jeunes gens plus âgés comme, en 1932, ces membres de la JEC (Jeunesse Étudiante Chrétienne) venus de toute la France.
De longues années après, les anciens colons se rappelaient des rudes mais vivifiantes conditions de vie au Zaeckenberg. Le réveil du matin au coup de sifflet, la toilette dans l'eau glacée de l'abreuvoir, les repas entassés dans un réfectoire exigu, la baignade dans un trou d'eau aménagé dans le torrent. Est resté dans les mémoires également l'infatigable Joseph Parmentier qui avec son âne de bât descendait plusieurs fois par jour à Kirchberg pour chercher le ravitaillement, entre autres 50 pains de 2 Kg par jour. Pour témoigner du caractère religieux du centre de vacances, une statue de Sainte Thérèse de Lisieux y a été installée. Arrivée par le train jusqu'à Wegscheid, elle a été acheminée au Zaeckenberg sur un char à bœufs. En 1936, en raison de la vétusté de la ferme et du manque de place, la colonie a été transférée à Bourbach-le-Haut. [voir ci-dessous] Au moins jusqu'à la guerre, le Zaeckenberg est resté un refuge de montagne que des citadins louaient pour des séjours en pleine nature. Puis, l'endroit a été abandonné et le bâtiment est tombé en ruines. Aujourd'hui, la végétation en recouvre les derniers vestiges.
|
|||||||||||||
A environ 1,5 km au nord de Bourbach-le-Haut s'élevait autrefois une imposante bâtisse agricole appelée la "Boutique" (ou "Büttig") qui, à une certaine époque, avait également abrité un atelier de tissage manuel.
En 1935, cette ferme fut acquise par le chanoine Muller, déjà propriétaire du Zaeckenberg [voir ci-dessus], dans le but d'y transférer la colonie de vacances de son association "L'Ami de l'Enfance de Huningue." La "Boutique" changea de nom et fut appelée "Maison de repos du Rossberg." La continuité religieuse fut concrétisée par la translation de la statue de Sainte Thérèse du Zaeckenberg à Bourbach-le-Haut. La colonie de vacances fonctionna dans son nouveau cadre de 1935 à 1939. Pendant la guerre, l'établissement connut de nombreuses vicissitudes. C'est dans cette période que la statue de Sainte Thérèse, rejetée par l'occupant allemand, a été scellée par des habitants de Bourbach-le-Haut sur un rocher dominant le site. La paix revenue, différents groupes d'enfants issus de paroisses de Mulhouse, Sausheim et Altkirch revinrent en colonie de juillet à octobre de chaque année. En 1948, l'héritier du chanoine Muller, décédé pendant la guerre, fit don de la propriété à l'École Jeanne d'Arc de Mulhouse qui possédait déjà la colonie de vacances du Bois Chenu à Wegscheid. Probablement parce que la statue de sainte Thérèse surplombait les lieux, ceux-ci furent rebaptisés "Les Buissonnets", en référence au nom de la maison de Lisieux où Thérèse Martin [future sainte Thérèse] vécut pendant 11 ans avant d'entrer au Carmel. Désormais, "Les Buissonnets", sous la direction des sœurs de l'École Jeanne d'Arc, fonctionnèrent comme colonie de vacances pour filles. L'établissement accueillait également pour des séjours au grand air des servants de messe de la paroisse Sainte Geneviève de Mulhouse ou bien des adolescentes pour des retraites. Le lieu jouissait d'une grande popularité auprès des familles mulhousiennes, certaines kermesses ont réuni jusqu'à 500 personnes !
Les fillettes étaient logées dans 3 dortoirs ; dans chacun étaient alignés 20 petits lits de fer, garnis d'une couverture de laine, d'un édredon rose ou jaune et d'un oreiller. Les sœurs de l'encadrement dormaient dans des chambres de 2 à 5 lits. Des installations sanitaires avec douches et eau chaude offraient un confort selon les normes de l'époque.
Les colons s'ébattaient dans la grande cour de la ferme ainsi que dans les prairies et forêts environnantes. Des escapades les emmenaient sur les sommets entre les vallées de Masevaux et de Thann.
Les petites mulhousiennes trouvaient aux Buissonnets ce qu'elles n'avaient pas chez elles : l'air pur, l'espace, des camarades de jeux et la proximité des animaux de la ferme : vaches, porcs, moutons, chiens, sans oublier la mule Martine acheminant de lourds fardeaux sur son bât. Hélas, après un quart de siècle de fonctionnement où les filles ont succédé à leurs mères dans ce lieu devenu cher au cœur de nombreuses familles, la vie des Buissonnets fut brutalement interrompue. Le 29 avril 1974, le bâtiment fut la proie d'un incendie dévastateur, semble-t-il dû à une fuite de gaz.
La commune de Bourbach-le-Haut acquit les terrains disponibles et décida en 1979 d'y construire une nouvelle ferme-auberge. Celle-ci a conservé le nom "Les Buissonnets" jusqu'à nos jours.
* * * En plus des "Buissonnets", il existait entre les deux guerres à Bourbach-le-Haut un autre accueil d'enfants : dans sa villa dite" Little Home" la famille André tenait une "Maison de vacances pour enfants."
|
|||||||||||||
Pendant les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, le petit village de Sickert était un haut-lieu des séjours de vacances pour enfants et adolescents grâce à l'engagement personnel de l'industriel mulhousien Albert Ottenwalter et de son épouse, née Hélène Schumacher. Ces fervents catholiques, adeptes de la doctrine de Jean Bosco, ont consacré les bénéfices de leur entreprise à créer des lieux de vacances et d'éducation pour la jeunesse chrétienne. En 1938, Albert Ottenwalter a acheté à Sickert la propriété du Herzenbourg, comprenant une maison de maître et une ferme sur un terrain de 44 ha. Dès cette année-là, les premiers groupes de jeunes de la JOC de Mulhouse purent séjourner au Herzenbourg. Pendant la guerre, la propriété a été confisquée pour servir à l'accueil de réfugiés allemands ainsi qu'à des groupes de la Hitlerjugend. Restaurée en 1945, le Herzenbourg devint le centre de vacances baptisé "Maison du Sacré-Cœur" dont la renommée dépassait nos frontières. Il recevait des colonies d'enfants et d'adolescents en alternance avec des sessions de mouvements catholiques ou d'enseignants de paroisses universitaires. Parfois, des célébrités comme le Père Duval (1918-1984), prêtre auteur-compositeur-interprète, figuraient parmi les hôtes.
Cette activité d'accueil a prospéré pendant plus de 20 ans. Elle s'est ralentie à partir de la fin des années 1960 en raison de la mort d'Albert Ottenwalter en 1967, du durcissement de la législation réglementant les centres de vacances et de la baisse de la demande de la part des organisations catholiques. Jusqu'en 1994, année du décès de Christiane, l'aînée des filles Ottenwalter, le Herzenbourg s'est principalement recentré sur l'organisation de camps de Scouts et de Guides de France. En plus du Herzenbourg, la famille Ottenwalter disposait de deux autres lieux d'accueil à Sickert. Le plus important était le "Chalet Saint-Joseph" situé aujourd'hui au 25 rue Principale.
La bâtisse, auparavant possession d'une famille de Sickert, fut achetée après 1945 par Albert Ottenwalter qui fit ajouter à la maison primitive une avancée où logeaient les colons. A la mort d'Albert Ottenwalter, elle devint la propriété d'une congrégation de religieuses de Toulon. Au cours des décennies de l'après-guerre, le chalet accueillait des fillettes et des adolescentes, voire de jeunes adultes, originaires de Toulon, puis, après 1949 de Nevers. En 1956, des jeunes de la paroisse Sainte-Madeleine de Strasbourg y ont séjourné, conduits par l’abbé Pierre Lévêque, originaire d'Oberbruck. Par la suite, différents groupes de jeunes du mouvement scout ont campé dans le parc, utilisant le chalet comme abri en dur, notamment pour la cuisine et les repas.
Cette demeure comprenait une cuisine, un réfectoire et un dortoir à l'étage. Derrière le bâtiment, un pré pouvait accueillir un camp de tentes comme, en 1961, celui des Louveteaux de Thann. Dans cette maison séjournaient en été des jeunes filles de 17 à 20 ans, souvent en complète autonomie. Au total, les trois sites de la famille Ottenwalter offraient une importante capacité d'hébergement. Ainsi, en 1960, 400 jeunes se sont succédé à Sickert : 170 au Herzenbourg (Maison du Sacré-Cœur), 160 au Chalet Saint-Joseph et 70 au Refuge. Les anciens de Sickert se souviennent de l'effervescence suscitée chez les garçons du village par la venue d'un nouveau groupe de filles. Les plus grands essayaient d'établir des contacts tandis que d'autres se livraient à des espiègleries d'un goût douteux : la nuit venue, quand la colo dormait, ils jetaient des pierres sur les tuiles du bâtiment pour faire sortir les filles affolées en chemise de nuit. Le "Chalet Saint-Joseph" et "Le Petit Refuge" ont accueilli des groupes de jeunes jusqu'aux années 1960. Aujourd'hui, ce sont des propriétés privées.
|
|||||||||||||
Depuis la fin du XVIIIe siècle, un pèlerinage marial se niche sur les hauteurs de l'annexe Houppach, à 2 km de Masevaux en direction de Bourbach-le-Haut. Ayant autrefois abrité une Vierge noire, le pèlerinage de Notre Dame de Houppach était également appelé "Klein Einsiedeln" en référence au couvent d'Einsiedeln en Suisse.
La première session de la colonie a ouvert en 1949, gérée par l'association "Les Amis de Houppach", une émanation de la paroisse de Masevaux.
|
|||||||||||||
Conclusion : Dans les premières décennies du XXe siècle, de nombreux responsables de patronages paroissiaux ou laïcs, soucieux de la santé des enfants des milieux populaires, ont pris l'initiative de leur permettre de vivre quelques semaines au contact de la nature, bénéficiant du grand air et d'une alimentation saine. Ils ont trouvé dans les villages de la haute vallée de la Doller un cadre favorable pour ouvrir leurs colonies de vacances où le confort rudimentaire était compensé par les joies de la vie collective. Ces colonies ont connu leur âge d'or entre 1930 et 1965. Ensuite, les normes sanitaires et de sécurité de plus en plus drastiques ont abouti à la fermeture de plusieurs centres de vacances. En même temps, l'élévation générale du niveau de vie de la société a permis aux familles d'emmener leurs enfants en vacances, les détournant ainsi des séjours en collectivité. Attractifs dans la période austère qui a précédé les "Trente Glorieuses", nos villages, une fois la prospérité venue, ne séduisaient plus les jeunes citadins. Alors que jadis des jeux dans les prés, des cabanes dans la forêt et des veillées autour d'un feu faisaient leur bonheur, les enfants de la fin du XXe siècle voulaient des poneys, des bicross ou des équipements vidéo ! Les associations paroissiales qui ne survivaient souvent que par le bénévolat et le mécénat n'ont plus été en mesure de répondre aux nouvelles exigences économiques et sociales.
|
|||||||||||||
Mai 2022. |
|||||||||||||
|
|||||||||||||
Sources : Dolleren : Patrimoine
Doller, Bulletin de la Société d'Histoire de la Vallée
de Masevaux n°26 de 2016 : article "Les jolies colonies de
vacances... à Dolleren" par Joseph Schaguené. Article du journal "L'Écho de Sélestat" du 9 septembre
1936. Archives de l'École
Jeanne d'Arc de Mulhouse : Historique des colonies de vacances par Sœur Marie Philbertine. Cartes
postales et renseignements fournis par M. Serge Lerch sur son
blog : "Histoires
et Traditions de Bourbach-le-Haut."
Archives de l'École
Jeanne d'Arc de Mulhouse : Historique des colonies de vacances par Sœur Marie Philbertine. Renseignements, photos et documents fournis par M. Jean Bruckert dans son texte "Les colos de Sickert" dont les sources sont : Hélène Ottenwalter née Schumacher, Catherine Moreau née Frey, Christine Gaugler, François Bruckert et Christiane née Baeumler, Fernande Walter née Studer et Rose Riff née Kessler. Masevaux : Site : https://www.lieux-insolites.fr/alsace/houppach/houppach.htm
|
|||||||||||||