Après
les débarquements en Normandie et en Provence. |
Au
lendemain du 6 juin 1944, la nouvelle du débarquement allié en Normandie
se répand en France. Après quatre longues années d'occupation, l'espoir
renaît enfin. Mais les habitants de Clerval et de Franche-Comté, à
600 km des plages du débarquement, doivent s'armer de patience. Les armées
anglo-américaines se heurtent à la résistance opiniâtre des Allemands.
Leur avancée est lente, difficile et meurtrière. Il leur faut plus d'un
mois pour libérer Caen et deux mois pour atteindre Nantes.
A
la mi-août, la libération de l'Est de la France semble donc encore
lointaine quand un nouvel événement change la donne : le débarquement
en Provence, le 15 août 1944, d'une coalition réunissant la 7e Armée US du général Patch et la future Première Armée française
commandée par le général de Lattre de Tassigny.
La
Provence est libérée et, en deux semaines, les Franco-Américains
remontent la vallée du Rhône dans une irrésistible chevauchée. Lyon
est libéré le 3 septembre, Bourg-en-Bresse et Lons-le-Saunier le
lendemain.
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Marche
des principales unités alliées au début de septembre 1944.
Schéma
simplifié réalisé à partir de la page 61 de l'ouvrage de R. Dutriez
cité en sources. |
Tandis
que la 3e DIUS (1) avance vers Arbois, Quingey et Besançon, la 45e
DIUS se dirige vers Baume-les Dames, Clerval et Villersexel. Sur son flanc
droit, la 3e DIA(2) française, épaulée par les combattants
FFI(3),
a pour objectifs Valdahon, Morteau, Maiche, Saint-Hippolyte et
Pont-de-Roide. Les habitants de Clerval, qui suivent
les événements par la radio suisse, savent à présent leurs libérateurs
tout proches : ce n'est plus qu'une question de jours.
(1)
DIUS*
: Division d'Infanterie américaine.
(2)
DIA*
: Division d'infanterie Algérienne.
(3)
FFI
: Forces Françaises de l'Intérieur. Ce sont les combattants issus
des mouvements de résistance en France occupée, tels "Combat",
"Francs-tireurs et Partisans" et autres
maquisards. |
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La
résistance comtoise. |
Dans
l'affrontement en cours entre Allemands et Alliés intervient une troisième
force : la résistance comtoise. Celle-ci s'est développée dès le
lendemain de la défaite de 1940 à la faveur de facteurs favorables : le
relief montagneux de l'Est de la région, son habitat dispersé, et
l'attachement de la population à ses valeurs chrétiennes aux antipodes
du nazisme. A Clerval et aux alentours, des groupes clandestins se sont
investis dans des actions destinées à gêner la machine de guerre
ennemie. Déjà, bien avant la Libération, plusieurs Clervalois ont
sacrifié leur vie à leur engagement. Pierre Villeminot, co-fondateur de
la Compagnie Valmy, est arrêté dès octobre 1942 et déporté vers les
camps allemands d'où il n'est pas revenu. En juillet 1944, Jean Billerey
est capturé dans la ferme de Montivernage où il s'était caché, puis
abattu sur place par les soldats allemands. Enfin, fin août 1944, le
jeune Georges Faivre est arrêté en plein Clerval dans un véhicule
transportant six FFI. Le lendemain, il est fusillé sur le chemin de L'Hôpital-Saint-Liéffroy.
On
lira des portraits
des héros clervalois de la Résistance sur le "Portail de
Clerval" de M. Gérard
Blanc. |
A
partir du printemps 1944, Charles Camboly, notaire à Clerval, met sur
pied un réseau de maquisards recrutés dans le secteur de Clerval. Ce
"groupe de Clerval" est intégré à l'important maquis du
Lomont. Retranché dans la chaîne montagneuse adossée à la frontière
suisse, le maquis du Lomont, qui a compté jusqu'à 3000 hommes, a résisté
victorieusement à de multiples contre-attaques allemandes.
Au
cours de l'été 1944, un
message de la BBC lance le "Plan vert" : la résistance
comtoise est appelée à saboter un maximum d’installations ferroviaires afin de freiner les déplacements des troupes ennemies. Les
FFI exécutent 16 missions de destruction sur la ligne
Clerval-Voujeaucourt : mise hors service d'aiguillages, de machines fixes,
de cuves à eau, d'ouvrages d'art.
Le 14 juillet, les maquisards du groupe Tito (1)
effectuent une opération visant la gare de Clerval. Lorsqu'ils se
retirent à 3 H 50 du matin, en passant devant la gendarmerie près du
pont sur le Doubs, leur chef ordonne de tirer une salve en l'honneur de la
Fête Nationale.
(1)
Henri
Bourlier, de Blussangeaux, créé ce maquis qui opère à
partir de 1943 dans
la zone comprise entre Clerval et l’Isle-sur-le-Doubs.
"Tu
fais ton petit Tito" lui dit-on, en référence à l'action
du chef de la Résistance en Yougoslavie. Ce nom lui reste. Avec un
effectif variant de 16 à 31 membres, ce groupe est l'un des plus
efficaces de la résistance comtoise. Il ne subit aucune perte et
aucun villageois n'est inquiété. En septembre 1944, il est
intégré dans l'armée régulière et participe à la libération
de l'Alsace et à l'entrée en Allemagne. Promu sous-lieutenant,
Henri Bourlier est volontaire pour l’Indochine où il tombe au
champ d’honneur, le 25 décembre 1946 à l'âge de 28 ans.
Henri Bourlier, dit "Tito" Origine de la
photo : site "Anciens du RICM." |
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Situation
de Clerval et des localités voisines citées. |
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Le
repli des occupants. |
Fin
août et début septembre, les Clervalois assistent au passage
ininterrompu de convois allemands roulant vers Belfort. En effet, le 18 août,
le commandement allemand a donné l'ordre de repli à toutes ses troupes
stationnées au Sud de la ligne Nantes/Orléans/Pontarlier. Ainsi
convergent vers la Franche-Comté des dizaines de milliers d'hommes et un
flot de véhicules dont une grande partie emprunte la route qui traverse
le Doubs à Clerval.
Parmi
ces troupes, celles qui, avec les SS, terrorisaient le plus la population
: des Russes (1),
supplétifs des Allemands. M. Constant Bassenne, 15 ans en 1944, raconte en
2013 :
"Nous
avons appris avec frayeur que les Russes blancs qui avaient commis des
exactions à Baume-les-Dames, allaient arriver à Clerval. On savait d'eux qu'ils violaient
les femmes (même leur pope s'y mettait) et volaient ce qui les
intéressait, les bicyclettes, les automobiles, les vaches. Aussi la gent
féminine s'est calfeutrée au mieux tandis que ceux qui possédaient une
voiture la cachaient et que les petits paysans dissimulaient les portes
des étables avec des piles de bois. Avec mon ami Michel Verdot, j'étais sur
le pont quand ils sont arrivés, poussant du bétail devant eux. Voyant
qu'ils lorgnaient le vélo de mon copain, avec le peu d'allemand que je
connaissais, j'ai dit à un chef à cheval :'" Ne lui prenez pas son
vélo, il est handicapé, sinon il n'a plus rien." Aussitôt le
militaire m'a mis en joue avec son arme ; je n'en menais pas large !"
(1)
Il
s'agit d'éléments de l'armée Vlassov, une formation militaire
de volontaires russes ralliés aux Allemands. Organisée par
l'ancien général de l'Armée Rouge, Andreï Vlassov, cette
armée tentait d'unifier les Russes contre le régime communiste.
Elle regroupait des prisonniers de guerre, des travailleurs
déportés et des émigrés russes vétérans de l'Armée blanche
de la guerre civile russe, d'où l'appellation "Russes
blancs" utilisée par les Clervalois en 1944. En
septembre 1944, la présence de Russes est attestée à Mouthe, à
L'Isle-sur-le-Doubs et à Champagney. Certains témoins parlent de
cosaques et de Mongols.
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L'imminence
des combats. |
Dans
la nuit du lundi 4 au mardi 5 septembre, on entend la canonnade au Sud et
au Sud-Ouest. On se bat dans le secteur de Baume-les-Dames où les Américains
cherchent à passer sur la rive droite du Doubs. Les convois allemands
s'espacent de plus en plus. L'effervescence et l'angoisse gagnent les
habitants qui sentent l'imminence d'événements dramatiques. De
nombreuses familles, notamment les mères avec leurs enfants, fuient leurs
maisons pour se réfugier dans les bois, dans des fermes ou des villages
à l'écart des grands axes de circulation. Le jeune Constant Bassenne,
avec sa mère et ses 5 frères et sœurs, vont à Surmont, tandis que son
père, son oncle et sa tante restent à Clerval pour protéger leur maison
et tenter de sauvegarder le camion de l'entreprise familiale.
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Le
mardi 5 septembre 1944. |
Le
mardi 5 septembre, en fin de matinée, descendus de leur camp de Crosey-le-Petit,
40 parachutistes français des SAS, renforcés par 60 FFI, attaquent la
ville par l'entrée Sud-Est.
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René Giguelay,
un des parachutistes des SAS(1) qui a participé à ce fait d'armes, raconte :
"À
partir du 27 août, notre squadron
(2), composé de 82 combattants, est à
nouveau parachuté dans le Doubs, sur le plateau du Lomont, près de la
frontière suisse, à 300 kilomètres de Lyon, où arrive la 1ère Armée
française débarquée en Provence.
...
Le
6 septembre, [en
réalité le 5] renforcé par trois autres sticks
(3) et 60 résistants, après
liaison de l'officier commandant le régiment arrivé à Baume-les-Dames,
nous attaquons le village de Clerval,
nœud routier et ferroviaire défendu par deux centaines d'ennemis qui,
après deux heures de combat, s'enfuient dans les collines boisées
environnantes.
Notre
fusil-mitrailleur immobilise un train transportant des troupes qui
s'enfuient également.
Vers midi, nous apprenons que les blindés alliés qui devaient arriver,
sont bloqués, faute de carburant, à 15 kilomètres.
(4)
Notre
lieutenant THOMÉ,
avec l'assentiment des 40 SAS, et malgré le départ des résistants, décide
de continuer l'occupation du village.
Vers
16 heures, nous repoussons une première attaque de l'infanterie
allemande, mais vers 18 heures, 4 chars ennemis avancent, détruisant 2
wagons-citernes placés par nous en travers de la route.
Ils n'arrivent à nous chasser du village que vers 20 heures, mais au prix
de la perte d'un blindé détruit par notre engin anti-char PIAT (5)
et de nombreux tués.
Nous avons ainsi réussi à désorganiser le plan de repli de l'ennemi
dans le secteur de Baume les Dames / Clerval et à faciliter l'avance des
troupes françaises d'une quinzaine de kilomètres."
En réalité, l'action des SAS et des FFI est un
échec. Clerval reste aux mains des Allemands. Les
parachutistes abandonnent leurs positions avec des pertes tandis que les résistants,
sous les ordres de leur chef Camboly, se replient par la forêt de
Montfort et traversent le Doubs entre Branne et Roche pour rejoindre leur
base.
L'embrasement
des 2 wagons-citernes pleins de mazout provoque la mort de 3 parachutistes
et d'un FFI et anéantit la maison de la garde-barrière. La nuit venue,
les blindés allemands reprennent le contrôle de la localité tout en déclenchant
des incendies : l'un à la gendarmerie qui est maîtrisé, l'autre
à la maison Nedey qui, elle, est détruite.
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(1)
SAS : Special Air
Service, unité de forces parachutistes spéciales de l'armée britannique.
Le 3e Bataillon de SAS a été formé par des Français qui ont
rejoint De Gaulle. Basés en Angleterre, ils ont été
parachutés en France pour des missions de soutien à la Résistance.
(2) squadron :
escadron. Un squadron est formé de 8 sticks.
(3) stick : unité
de combat de 10 hommes.
(4) L'avancée
des Alliés depuis la Provence a été tellement rapide que la logistique
n'a pas suivi. Les dépôts les plus avancés sont à 275 Km du front ce
qui a causé un essoufflement de l'offensive.
(5) PIAT : arme
portative anti-char britannique. Abrégé de "Projector
Infantry Anti Tank."
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René
Giguelay en 1944.
Origine de la
photo : site du CRDP de Reims. |
Le
mercredi 6 septembre 1944. |
Le
mercredi 6 septembre, avant le jour, deux chars "Tigre" stoppent
à l'entrée du pont. Ils repartent trois quarts d'heure après, puis
c'est l'explosion : l'appui de la travée Ouest du pont sur le pilier
central a été dynamité. La travée métallique s'est affaissée,
formant un plan incliné : au milieu du pont, elle est dans le lit du
Doubs ; sur la rive, elle est encore au niveau de la route.
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Le
pont métallique sur le Doubs avait été construit en 1932. Il remplaçait un pont de pierres à arches.
Origine de la photo : extrait de carte postale.
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Le
pont dynamité : la photo a été prise après les travaux entrepris par
les Américains pour permettre le passage des véhicules légers et des
piétons. (voir plus loin le paragraphe "Le samedi 9
septembre.")
Par
la suite, un pont provisoire en bois a été construit au niveau de
la Place du Gravier.
Photo
ici :
Origine de la photo : page 86 de l'ouvrage de R. Dutriez
cité en sources. |
Vers
13 Heures, des véhicules allemands venus de L'Isle-sur-le Doubs s'arrêtent
sur la place du marché [aujourd'hui place de la Libération]: une
vingtaine de soldats en descendent et se répandent, les uns vers le pont,
les autres vers l'église. C'est la razzia : les soldats pillent les
maisons inoccupées et, lorsqu'ils les quittent, y jettent des plaquettes
incendiaires. Au bout d'une demi-heure, après avoir arraché le drapeau
tricolore accroché prématurément au clocher par un patriote trop zélé, les Allemands disparaissent, laissant derrière eux
la ville en flammes. C'est visiblement une action de représailles suite
à l'attaque des FFI de la veille.
De
courageux habitants parmi ceux restés dans la ville se précipitent pour
lutter contre l'incendie. De nombreuses femmes et jeunes filles secondent
les hommes parmi lesquels on remarque le pompier Mercadier et les frères
Paul et Georges Bassenne. Mais la tâche est surhumaine.
La chaleur est telle qu'il faut plusieurs fois reculer la pompe. Les
maisons de M. Causeret, Mme
Epp, Mlle Corneille, M. Chardin, Mme Triboulet, Me Corneille, Mme Riot
sont en flammes. Par le brasier du magasin "Les économats", le
feu se communique à la mairie et des flammèches touchent l'église. A la
Porte des Noyes brûlent les immeubles Cheviet, Bécoulet, et Huguenin.
Dans le quartier de la gare, brûlent également les maisons des familles
Tyrole, Kuhni et Girardot, de même que la maison de l'ancien directeur de
l'usine qui avait servi de Kommandantur locale.
Pendant
que tant de concitoyens se dévouent sans
compter pour combattre le feu, d'autres personnes, hélas, profitent des
circonstances pour piller à leur tour les maisons de leurs concitoyens
abandonnées ou gagnées par les flammes.
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|
|
L'Hôtel
de ville au début du XXe siècle... |
|
...et
après l'incendie du 6 septembre 1944. |
Photos figurant
sur le "Portail de Clerval" et mises à disposition par M. Gérard Blanc.
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Le
jeudi 7 septembre 1944. |
Le
jeudi 7 septembre, il apparaît que les Allemands ont infléchi leur
stratégie. Alors que depuis 3 semaines ils donnaient
priorité à l'évacuation du gros de leurs troupes en limitant les
combats à des actions retardatrices de la part de leur arrière-garde,
ils décident à présent de fixer le front sur une ligne qui suit le
Doubs de Baume-les-Dames à Clerval puis bifurque à Clerval vers le
massif du Lomont. Leur but est d'arrêter l'avancée alliée pour protéger
la Trouée de Belfort par où s'écoulent en direction de l'Allemagne les
unités militaires et les personnels administratifs qui occupaient la
France.
Cet
objectif explique qu'arrivent à Clerval des véhicules et des chars venus
de L'Isle-sur-le Doubs. Ils montent par la rue de la Porte de Chaux et se
positionnent à différents niveaux sur la route d'Anteuil et à Ansuans
pour bloquer la progression franco-américaine sur la rive gauche du
Doubs. Une formation s'installe à la sortie de Clerval entre les maisons
Paillot et Fleury pour tirer sur Crosey-le-Petit. L'artillerie américaine
riposte : plusieurs maisons sont
atteintes par leurs obus. L'un d'eux touche un
camion de munitions allemand dont l'explosion provoque de graves dégâts
à la maison Jobain.
Le cimetière n'est pas épargné, un projectile brise, entre autres, la
pierre tombale du général Louis Bassenne, le grand-oncle de M. Constant
Bassenne.
|
Le
vendredi 8 septembre 1944. |
Les
Allemands, qui n'ont pu tenir la ligne de front du Doubs, se sont retirés
vers l'Est. Au matin du vendredi 8 septembre, ils semblent avoir quitté
Clerval. Les habitants les plus curieux sortent de leurs abris pour aller
constater les dégâts à la Porte de Chaux.
Peu
avant midi, ils voient de l'autre côté du Doubs arriver de Branne le
premier véhicule américain. Une patrouille de G.I. traverse la rivière
et, par hasard, se retrouve nez à nez avec des véhicules allemands. Après
un bref accrochage, les Américains demandent le soutien de leur
artillerie. Un violent tir d'obus de 165 s'abat sur la ville. Plusieurs édifices,
dont le château et l'église sont touchés. L'escalier de l'église est démoli
et les vitraux de la façade Nord volent en éclats.
Le
bombardement a définitivement chassé les Allemands. En fin d'après-midi,
les fantassins américains occupent la ville. Ils sont accueillis avec
joie par la population bien que certains estiment qu'ils s'installent un
peu trop librement et se servent ici ou là sans vergogne.
|
Le
samedi 9 septembre 1944. |
Le
matin du 9 septembre, un char "Tigre" stationné sur le plateau
de Soye envoie plusieurs salves d'obus de 88 sur la ville, provoquant de
nouveaux dégâts à plusieurs maisons. Toute la journée, une batterie américaine
installée près du moulin de Roche-lès-Clerval tire sans relâche sur
l'ennemi qui cherche à présent à fixer le front sur une ligne
Pont-de-Roide/Villars-sous-Ecot/L'Isle-sur-le-Doubs.
Le
"Tigre" (photographié ici dans le Nord de la France) était le
plus gros des chars lourds utilisés par l'armée allemande. Il a frappé
les esprits par sa puissance et sa résistance au combat.
Origine
de la photo et des renseignements sur Wikipedia.
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Pendant
ce temps, les Américains ont effectué des travaux provisoires qui
rendent le pont utilisable par les jeeps et par les piétons assez
courageux pour s'aventurer sur les échelles qui leur sont destinées.
(voir photo plus haut) De leur côté, les FFI installent leur PC dans le bâtiment
du Couvent.
Quelques
jours après, l'arrivée de la Première Armée Française convainc les
Clervalois qu'il sont définitivement libérés de l'occupation allemande.
M. Constant Bassenne se remémore ses souvenirs d'adolescent :
"La Première Armée
comptait un grand nombre d'Arabes et de Noirs. Ces derniers portaient de
longs coupe-coupe dont les Allemands avaient plus peur que des armes à
feu. J'ai serré la main du général de Lattre de Tassigny qui avait pris
ses quartiers en face de chez nous, chez Tisserand. Son ordonnance logeait
dans ma chambre, dans la maison à côté de l'église. Je buvais ses
paroles quand il me parlait du chef prestigieux de la Première Armée,
personnage compliqué aux éminentes qualités de stratège et de meneur
d'hommes, mais également exigeant, capricieux et vindicatif."
|
Bilan. |
Par
une ironie du calendrier, une semaine à peine après les incendies, c'est
le jour de la traditionnelle "Fête du Feu" qui commémore la
destruction de la ville par le feu le 13 septembre 1615. Ce mercredi 13
septembre 1944, l'assistance à la fête religieuse est réduite pour
maintes raisons : la précarité de la situation de nombreuses familles,
l'absence de pont, l'urgence des travaux de remise en état des maisons,
le trouble dans les esprits après ces événements tragiques, l'absence
des prisonniers, des mobilisés et des déportés. Cependant les autorités
sont présentes : le conseil municipal au complet ainsi que des délégations
des FFI et des sapeurs-pompiers.
C'est
l'occasion pour l'officiant de dresser le bilan de la situation. Cinq
jours après le départ des Allemands, Clerval est meurtri mais soulagé.
Une cinquantaine de bâtiments ont été endommagés : 20 maisons incendiées,
plus de 20 autres touchées par les bombardements, 10 abîmées ou ébranlées
par l'explosion du pont. Une dizaine de familles sont totalement sinistrées.
Cependant
la population se sent providentiellement épargnée. Les combats et les
bombardements n'ont fait aucune victime civile. Le 12 septembre cependant,
Lucienne Bredin, une jeune fille de Chaux venue avec son père voir les décombres
de la maison de son oncle, ramasse un engin qu'elle jette négligemment à
ses pieds. C'est une grenade qui explose et la blesse mortellement.
Au
regard des événements historiques, Clerval a eu la chance d'être du bon
côté du front qui se fige à la mi-septembre 1944 à quelques kilomètres
seulement à l'Est de la ville. Ce n'est que deux mois plus tard, à
partir du 14 novembre 1944 que ce front sera rompu et que la libération
de Nord de la Franche-Comté se poursuivra.
*
* *
Henri
Ehret , janvier 2013.
Contacter
l'auteur.
|
Sources. |
-
Le fascicule intitulé "Premier Anniversaire de la Libération",
paru en 1945 sans indication d'auteur, probablement un supplément au
Bulletin Paroissial.
-
L'ouvrage : "La Seconde guerre mondiale en Franche-Comté" de
Robert Dutriez. Éditions Cêtre 1984.
-
De nombreuses précisions sur les événements, les personnages et la vie
à Clerval ont été trouvées sur le "Portail de Clerval", le site très documenté de M. Gérard
Blanc.
-
Le témoignage de René
Giguelay
publié sur le site du CNDP de Reims.
-
Les souvenirs de M. Constant Bassenne, 15 ans en 1944, qui a grandi à
Clerval.
Sur le groupe Tito, les sites du CRDP de Besançon
et des Anciens du RICM
Sur
de Lattre : site "Livres de Guerre."
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Autre
page d'histoire locale de Clerval :
Un
enfant du Pays de Clerval au service de la France : Louis
Bassenne (1858-1938)
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