OBERBRUCK, mon village natal.
Un ancien village industriel.
Depuis les temps les plus anciens de leur existence, les villages de notre vallée vosgienne ont manqué de terres cultivables suffisamment vastes et fertiles. Nos ancêtres ont dû trouver des ressources complémentaires aux maigres récoltes de l’agriculture de montagne.
C’est vers l’industrie qu’ils se sont tournés en raison de plusieurs facteurs favorables.
En effet, des mines de différents métaux ont été découvertes dès le Moyen-Âge dans la haute vallée de la Doller. L'abondance des forêts permettait de produire le charbon de bois qui constituait l’énergie essentielle de l’industrie du fer avant le XIXe siècle. Grâce à une forte pluviosité et des dénivelés importants, l’eau des ruisseaux et torrents pouvait être domestiquée pour actionner les installations par le moyen de roues à aubes. Enfin, la population nombreuse en regard des faibles possibilités agricoles, inoccupée de surcroît pendant les longs mois de la mauvaise saison, offrait une main d’œuvre abondante et peu exigeante.
Cette étude non exhaustive a pour intention de présenter les activités industrielles qui ont prospéré puis disparu à Oberbruck.
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Localisation des anciennes mines de la vallée de Masevaux : cliquez ici.
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L'industrie métallurgique à Oberbruck.
Dès le XIVe siècle, l’existence de mines est mentionnée dans la haute-vallée de la Doller. Plusieurs vestiges de ces « Erzgrube » ("mines" en allemand) sont encore visibles aux alentours d’Oberbruck. Au XVe siècle, un fourneau à fondre le fer, fondé en 1409, aurait fonctionné une trentaine d'années entre Oberbruck et Rimbach. Des appellations locales comme « Schmelzematte» (le pré de la fonderie) attestent l'existence de cette installation, même si son emplacement n'est pas connu avec certitude.
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de Jean-Henri d'Anthès à Voyer d'Argenson. Après les dévastations dues à la guerre de Trente Ans, l’âge d’or de la métallurgie à Oberbruck se situe de la fin du XVIIe jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Son essor est l’œuvre de Jean-Henri d’Anthès. Ce maître des forges, peut-être d’ascendance suédoise, est né à Weinheim en Allemagne en 1670, puis a grandi à Mulhouse où son père Philippe-Michel s'était établi. Jean-Henri d’Anthès prit à ferme le droit d’exploiter les métaux que détenait le seigneur de Rothenbourg par lettres patentes du roi Louis XIV. Il dirigea, en tant que fermier, les forges d'Oberbruck de 1696 à 1704 et, en 1718, créa la manufacture de fers blancs à Wegscheid. Anthès développa de façon remarquable la métallurgie, non seulement dans la vallée de la Doller mais aussi dans le comté de Belfort et dans le Bas-Rhin. Le 3 décembre 1731, deux ans avant sa mort, il fut anobli par Louis XV. |
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La chronique rapporte que "Jean-Henri d'Anthès était connu en Alsace sous le nom de "Krumme Rosen" ( Rosen le boiteux.) Il habitait Oberbruck, où malgré ses richesses, il vivait simplement, détaché des biens de ce monde. (dans "Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l'Alsace.") |
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La famille Anthès contrôla la métallurgie à Oberbruck jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, puis d'autres fermiers gérèrent les propriétés seigneuriales de Sophie de Rosen-Kleinroop et de son mari Victor de Broglie. C’est ce dernier qui fit construire vers 1787 la maison de maître, actuelle maison Zeller, dite « le château ». Certains ont avancé que l’appellation « Breuil » désignant le grand pré à l'entrée Est du village où se situe la piste de l’aérodrome, serait dérivée du nom Broglie. Il est plus probable cependant que ce mot vienne de l'allemand "Brüel" désignant une prairie bonifiée par irrigation. Bien que son mari, Victor de Broglie, ait été guillotiné sous la Terreur, Sophie de Rosen-Kleinroop n'émigra pas, ce qui lui permit de conserver la propriété des terres et industries de la vallée de Masevaux. En 1796, elle se remaria avec Marc René de Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson. Celui-ci, malgré ses fonctions politiques sous l'Empire et la Restauration, reprit en mains les établissements métallurgiques. Héritier des physiocrates, soucieux du "soulagement des classes laborieuses", Voyer d'Argenson publia plusieurs écrits politiques datés des "Forges d'Oberbruck." En 1827, il acheta à Joseph-Conrad d'Anthès la totalité de ses biens à Oberbruck, comprenant entre autres la Renardière et le Sternsee.
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Voyer d'Argenson et le complot de Belfort : cliquez ici.
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Localisation des ateliers métallurgiques. À Oberbruck, les activités métallurgiques au XVIIIe siècle et jusqu’au début du XIXe occupaient une importante partie du village. Des bâtiments, des vestiges d’aménagement de l’eau ainsi que des noms de lieux en témoignent encore aujourd’hui. Un premier groupe d’installations métallurgiques était situé à la Renardière (Rennschmiede en allemand). Ce quartier tire son nom d’une ancienne méthode de production de l’acier : avec un feu à haute température attisé par un soufflet, on faisait fondre de petits morceaux de minerai de fer avec du charbon de bois. On obtenait un produit de fonderie comprenant des scories appelé « Lupe » en allemand et « loupe » ou « renard » en français. Les scories devaient ensuite être enlevées par forgeage. À la Renardière on faisait aussi de l’affinage, c’est-à-dire la transformation en fer de la fonte livrée par le haut fourneau de Masevaux. D’autres activités métallurgiques s’échelonnaient le long du ruisseau Le Rimbach, depuis l’actuelle propriété Zeller jusqu’à la sortie du village. Le plan des installations montre un imposant ensemble de bâtiments centrés sur la forge (die Schmiede). Si les bâtiments de travail du fer ont disparu, les habitations appelées communément « Schmetta » en dialecte alsacien sont toujours là, ainsi que l’un des hangars, la « Kohlschira » ( textuellement "grange à charbon") qui abritait le charbon de bois. Bien qu’un siècle et demi se soit écoulé, la noirceur de la terre à l’emplacement de la « Place à charbon » trahit encore l’ancien usage de ce lieu. |
Les deux étangs du moulin (Mehlaweiher) étaient encore en eau en 1945 (photo ci-contre) ; puis ils ont été progressivement abandonnés. Si l’emplacement de l’étang supérieur est aujourd’hui complètement nivelé, on voit encore la dépression de l’étang inférieur.
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C’est aussi à cette époque qu’ont été réalisés les premiers aménagements des Neuweiher et du Lac des Perches (Sternsee) pour constituer des réserves d’eau. |
Martinets et forges. |
Un martinet au XVIIIe siècle (gravure de l’Encyclopédie) |
Sur le parcours de l’eau
canalisée, fonctionnaient deux martinets, l’un situé à la sortie du
village vers Rimbach, l’autre au niveau du parc de la maison Zeller. Le
martinet était un marteau de forge pouvant peser de 40 à 80 Kg mû par
une roue à aubes reliée à un arbre à cames. Cette installation avait
permis une première mécanisation des opérations de forge et un
accroissement de la production, l’effort de l’homme étant en partie
suppléé par la force hydraulique. Dans ces ateliers, on fabriquait
surtout des produits semi-finis, des tôles ou des fers de petite section. |
La
fabrication de pièces finies était l’œuvre de la forge. Celles d’Oberbruck
avaient acquis un savoir-faire reconnu car on y a fabriqué au début du XIXe
siècle
des pièces pour les toutes premières locomotives et même une traverse de
bielle destinée à la machine à vapeur d’un transatlantique en 1841. Si les différents ateliers n’employaient qu’une vingtaine d’ouvriers, les emplois indirects étaient bien plus nombreux. On estimait au XVIIIe siècle que pour une personne employée à la forge, cinq autres produisaient du charbon de bois ; et il fallait aussi des dizaines de mineurs pour extraire le minerai et de voituriers pour acheminer matières premières et combustible. |
La fin de la métallurgie. Ainsi
la métallurgie faisait vivre bon nombre de nos ancêtres. Cependant une précarité
certaine handicapait cette activité. Bien souvent les ateliers ne pouvaient
fonctionner par manque d’eau ou bien par manque de minerai. Celui-ci, issu de
filons déjà bien pauvres, s’épuise au début du XIXe siècle. En même
temps, la sidérurgie lorraine basée sur d’énormes gisements de minerai de
fer et de houille prend un essor sans commune mesure avec les modestes capacités
de la vallée de la Doller. C’est dans ce
contexte que la métallurgie est abandonnée à Oberbruck dans la première
moitié du XIXe siècle. Les ateliers de la Renardière produisent encore du fer
et de la grosse quincaillerie jusqu’en 1860, puis martinets et enclumes se
taisent définitivement. Par
un heureux concours de circonstances, cette période de déclin de la métallurgie
a coïncidé avec l’essor du textile. |
Oberbruck, ancien village industriel, suite : L'industrie textile. |
Les sources de cette page figurent au bas de la page "L'industrie textile à Oberbruck." |
Voir aussi : L'industrie métallurgique dans la vallée de Masevaux à la veille de la Révolution. |